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Mieux valait pour Robert et ses héritiers une suzeraineté secondaire dans ce magnifique duché de France, dont la mouvance incontestée s’étendait de Paris à Chartres et Angers, que l’autorité encore nominale d’une royauté vacillante.

La restauration carlovingienne s’accomplit donc en 898. Le frère même du roi Eudes n’éleva aucune réclamation ; il prêta hommage à Charles III, et se fit régulièrement investir par lui du comté de Paris et du duché de France. En voyant Robert se résigner de si bonne grâce au second rang, les « soutiens de la légitimité » triomphaient. N’en va-t-il pas toujours ainsi au lendemain des restaurations ? On y respire dans une sorte d’azur serein, on oublie toute cause d’inquiétude, on relègue au loin les choses de la veille, on a enfin cette hardiesse de cœur et d’esprit qui s’installe à l’aise dans le présent et prend d’avance possession de l’avenir. Au même moment, comme par une faveur expresse du destin, s’offrit à la dynastie austrasienne une occasion de biffer le traité de Verdun. Or le rétablissement des frontières naturelles, c’eût été pour elle à tout jamais peut-être une vaillante reprise de la popularité, une espèce de restauration morale achevant et consolidant la restauration matérielle. Le roi de Lorraine, Zwentibold, s’était aliéné par sa tyrannie les seigneurs du pays. Ceux-ci firent appel au jeune Charles en l’assurant qu’une seule campagne le rendrait maître du royaume. On l’a vu, depuis la bataille de Fontanet, l’Austrasie n’était plus qu’un état limitrophe sans raison d’être politique ; ses sympathies d’ailleurs la portaient visiblement vers la France. Quelle magnifique proie à saisir ! Quelle conquête vraiment opportune ! Mais l’illustre sang des Pépin et des Charlemagne était figé définitivement dans les veines de leurs successeurs ; tous, ainsi que l’attestent leurs surnoms, paraissent infirmes de corps ou d’esprit : le Débonnaire, le Chauve, le Bègue, le Gros, le Simple, c’est-à-dire le malavisé. Ce lutteur infatigable, ce prélat remuant qui s’appelait Foulques dut comprendre, avant de mourir si tragiquement assassiné par les vassaux de Baudoin de Flandre, que son protégé n’était pas et ne serait jamais un homme de haute mission. En effet, Charles III entra bien en Lorraine, et s’avança même jusqu’à Nimègue ; mais, dès qu’il aperçut les soldats ennemis, il rétrograda honteusement. À coup sûr, un tel prince, que l’historien Richeri flétrit d’un mot, pour l’époque, en le représentant comme « inhabile aux exercices militaires, » n’était point fait pour conduire et dominer la France féodale.

Par contraste, le grand homme de guerre de ce règne, c’est encore un membre de cette famille qui avait failli déjà refouler sans retour les rejetons des Carlovingiens, c’est le duc de France, Ro-