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devient avec Charlemagne la vassale des souverains qui règnent dans les villes gallo-franques d’Aix-la-Chapelle et de Trèves.

De toutes les agrégations de peuples fondées sur la force, nulle n’a duré et ne durera ; la Gaule et la Germanie ne pouvaient donc demeurer unies. Bien qu’elles n’eussent cessé, durant cinq siècles d’invasions, d’influer et de réagir l’une sur l’autre, elles différaient profondément de mœurs et d’idées ; la même divergence qui existe dans la direction de leurs fleuves et de leurs montagnes se retrouvait dans les caractères de leur vie morale, dans leurs visées respectives. Les populations encore mouvantes qui occupaient la rive droite du Rhin étaient identiques de race et d’usages ; celles qui possédaient la rive gauche n’offraient pas la même unité originelle : chez ces dernières, du mélange du double élément gallo-romain et germanique commençait à poindre une société essentiellement sédentaire, déshabituée de la vie nomade, et où apparaissaient des principes d’organisation politique. C’étaient ces deux pays si dissemblables et toujours en hostilité que Charlemagne avait prétendu river ensemble par une sorte de jointure de fer, l’Austrasie. Qu’était-ce que cette Austrasie, établie à cheval sur deux mondes, et les garrottant l’un à l’autre ? En son extension politique, les limites de l’Austrasie, — royaume de l’est, par opposition à Neustrie, royaume de l’ouest, — ont souvent varié. Au temps de Charles Martel, ce pays englobait à l’occident l’île des Bataves et la côte jusqu’au détroit gallique (Pas-de-Calais), à l’orient la moyenne de la Meuse, en amont de la Moselle, jusqu’à Metz, et toute la rive gauche du Rhin. Le pays des Tongres (Liège) et le Brabant en faisaient partie ; mais le centre véritable et géographique, c’était le bassin de la Moselle. Ce bassin apparaît comme un vaste camp retranché créé tout exprès par la nature entre l’Hundsruck, les Vosges, les Faucilles, l’Argonne, les Ardennes et l’Eifelgebirge. Au confluent de la Moselle et du Rhin, le passage est bien fermé ; il n’y a d’autre ouverture que le cours du fleuve, dont Coblentz est la clé. Le sommet de l’arc décrit par la Moselle est Thionville ; au-delà courent dans deux vallées symétriques le Rhin et la Meuse, qui s’écartent sous le parallèle de Mayence, pour se rapprocher sous celui de Cologne, — deux places qui dominent, l’une la route de la Belgique, l’autre celle de l’Alsace. Les défilés de l’Argonne étaient aux mains des Austrasiens, tandis que la vallée de l’Oise appartenait aux Neustriens. La ville d’Aix-la-Chapelle était le centre administratif, celle de Metz était déjà considérée comme un point militaire d’une importance capitale. Au temps d’Ébroïn (680), une lutte sanglante s’était engagée entre la France de l’ouest (Neustrie) et la France de l’est (Austrasie), les deux principaux royaumes issus du partage qui avait eu