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ESSAIS ET NOTICES.




Les Invasions germaniques en France, par M. Heinrich ; 1871.


Ce que nous connaissons le moins en France, c’est peut-être notre histoire nationale. Même lorsqu’il s’agit des époques les plus rapprochées de la nôtre, que trouvons-nous dans la plupart des esprits ? Quelques notions superficielles, des théories dictées par la passion politique, un demi-savoir infatué de lui-même et dupe de ses illusions. Il est superflu de remarquer combien ce défaut est grave dans un pays de suffrage universel où le nombre, à certains momens, pèse de toute la force de ses erreurs et de ses préjugés sur la conduite des affaires ; nous pouvons en appeler à une récente et ruineuse expérience. Que n’a pas coûté, en effet, à la nation le parallèle si faussement établi et si aisément accepté, il y a six mois, entre ces deux situations politiques et militaires très différentes, 1792 et 1870 ! L’inconvénient de l’ignorance que nous signalons est double : elle nous trompe par l’enthousiasme comme par le découragement ; elle nous inspire pendant la crise une confiance sans motif, et après l’échec un désespoir sans mesure. Elle nous empêche de nous fixer dans le vrai et de nous attacher simplement, solidement à ce qui est possible. Certes nous subissons aujourd’hui un immense désastre où le pire de nos maux n’est pas du fait de l’étranger ; mais, si l’on consulte l’histoire et la longue série des épreuves traversées et surmontées par notre pays, on y trouvera, avec l’exemple frappant de malheurs encore plus terribles, une leçon de courageuse patience et une invitation à tout espérer d’un retour de fortune et d’un réveil de la sagesse publique. — Cette idée évidemment juste est l’inspiration même de l’écrit publié par M. Heinrich sur les invasions germaniques en France. L’auteur a voulu rappeler aux imaginations faibles, trop vivement ébranlées par la guerre de 1870 et par ses suites, que nul peuple ne possède le privilège absolu de l’invincibilité ou une garantie assurée contre les malheurs de la guerre, et que la gloire de la France est non pas de n’avoir jamais été ni envahie, ni vaincue, mais d’avoir su en tout temps, par une ferme attitude, sauver l’honneur de ses armes et réparer ses défaites.

Du ve siècle jusqu’à nos jours, M. Heinrich a compté environ dix invasions germaniques qui ont foulé et plus ou moins gravement entamé le sol français. Rien d’étonnant ; outre les combinaisons accidentelles