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dont il devait avoir l’appui, a été obligé de battre en retraite et de céder le terrain.

Paris et la province, la commune insurrectionnelle de l’Hôtel de Ville et l’Assemblée nationale de Versailles, la garde nationale à la fois révoltée et opprimée, l’armée désorganisée par ses défaites et qu’il faut reconstituer pour le salut et l’honneur du pays, les différens partis qui divisent la France et M. Thiers appelé à gouverner dans cette mêlée, la guerre enfin, qui, il y a à peine un mois, était le plus grand de nos maux, la guerre que nous oublions en face de nos discordes civiles, et qui peut d’un instant à l’autre redevenir la plus cruelle et la plus destructive de nos souffrances, que de choses, et toutes affreuses, qui se disputent l’attention, l’inquiétude, la douleur du public, lequel semble parfois prendre l’indifférence comme le seul remède à ses maux et qui devient insouciant à force d’être malheureux !

Nous n’avons pas la prétention d’indiquer les remèdes convenables à tant de maladies diverses compliquées l’une par l’autre. Nous voulons seulement chercher s’il n’y a pas quelque éclaircie à travers l’orage, quelque espérance au milieu de tant d’infortunes.

Commençons par Paris et la province : il y a entre Paris et la province toute sorte de querelles vieilles et nouvelles, et toutes ces querelles se sont aggravées par le cruel isolement où a vécu Paris pendant le siège, et qui l’a empêché du même coup de recevoir les sentimens, les idées de la province, et de lui envoyer les siennes. Il est mauvais à l’homme d’être seul, dit la parole sainte. Il s’exalte alors et s’obstine dans ses pensées ; il ne voit que lui, ne pense qu’à lui. La solitude crée ou réalise l’égoïsme. Paris pendant le siège a cru et a pu croire un instant qu’il allait sauver la France ; il a cru et il a pu croire un instant que la province allait pouvoir pénétrer jusqu’à lui par ses armées et le délivrer. Dans cette espérance et dans cette attente patriotique, il a montré de grandes qualités qui ont étonné l’Europe, parce que c’étaient les qualités qu’on attendait le moins de lui. Il a été ferme et patient ; il s’est battu courageusement, quand il a pu se battre, et tout le monde, bourgeois et ouvriers, nobles et roturiers, si l’on peut se servir encore de ces mots anciens, lettrés, artistes, tout le monde a versé généreusement son sang. Les destins ennemis ou les fautes des hommes n’ont pas permis que la province secourût Paris, et que Paris délivrât la France. De là un sourd mécontentement entre les deux parties du pays ; de là, à cause de l’état fébrile et nerveux où se trouvait Paris pendant l’armistice, les élections irréfléchies et taquines de la capitale, contraires aux élections de la province, et qui l’ont irritée. Les clubs et la société de l’Internationale ont saisi cette occasion de Paris agacé et de la province défiante et inquiète pour faire le coup de main du 18 mars, et, si l’assemblés nationale n’avait