Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longtemps comme ayant pris naissance en Bohême ou dans la Hongrie ; mais on sait aujourd’hui qu’elle provenait des steppes, et n’avait été qu’importée en Bohême. Elle sévissait dans les environs ; de Prague pendant le siège de cette ville en 1741-1742. De là, elle aurait été introduite en Occident par l’armée française. D’autre part, il est reconnu que des steppes, lieu de son origine, elle s’avança du côté du nord par la Pologne, la Courlande, la Poméranie, etc., et du côté du sud par la Moravie, la Dalmatie, l’Autriche et l’Italie. L’Europe entière eut à en souffrir. Elle pénétra de la Hollande en Angleterre par deux veaux importés dans les environs de Londres pour améliorer les races indigènes. On raconte qu’un tanneur contribua aussi à l’infection de ce pays en faisant venir clandestinement des cuirs frais de la Zélande. « C’est ainsi, dit à cette occasion Layard, qu’un homme, pour réaliser un gain illicite, peut entraîner la ruine de l’agriculture d’un pays. » Moins bien inspirés qu’en 1714, les Anglais essayèrent de traiter les malades, et, malgré les moyens méthodiques employés pour guérir, on n’arriva qu’à laisser se développer l’épizootie, qui régna pendant dix ou douze ans, et fit périr 3 millions d’animaux.

Pendant cette longue épizootie, qui fit de si grands ravages, la peste bovine a été étudiée par des médecins de premier mérite. Sauvages l’observa dans le Vivarais et le Languedoc, Raudot dans la Bourgogne, Le Clerc en Hollande, Layard en Angleterre. Les environs de Paris en fuient longtemps préservés ; mais elle y fut apportée par des marchands de vaches, et envahit en peu de temps toutes les vacheries de la ville. La ; faculté de médecine fut consultée par l’édilité parisienne. Le doyen d’abord, M. de l’Épine, puis Chomel, Cochu, Bouvard, Lemoine, Procope, etc., cherchèrent à la guérir. « Jamais, dit un médecin de l’époque, on n’avait fait tant d’honneur à des animaux. » Il eût été difficile en effet de les mettre en des mains plus habiles. Les malades furent soumis aux traitemens que l’on croyait les plus méthodiques, les plus propres à débarrasser les organes digestifs, à calmer l’irritation nerveuse, à exciter les forces, à dériver le mal vers l’extérieur du corps. En outre on essaya les moyens empiriques les plus variés : les mercuriaux, le sang de bouquetin, etc. Quelques malades furent saignés jusqu’à la syncope, d’autres enterrés dans le fumier, plusieurs exposés à l’air frais pendant la nuit. Le parlement de Rouen, par un arrêt du 13 mars 1745, recommanda un masticatoire qui, disait-on, avait été employé avec succès. Tout fut inefficace. La faculté de médecine de Montpellier publia une instruction destinée à éclairer les cultivateurs. Les moyens hygiéniques, l’isolement, la désinfection par des fumigations, y tiennent plus de place que le traitement curatif, qui