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LES RÉFORMES


DE


NOTRE MARINE MILITAIRE




Après la guerre de Crimée, quand le prince Gortchakof disait : « La Russie se recueille, » il exprimait d’un mot les règles de la politique dont doit s’inspirer toute nation vaincue qui, ne désespérant pas de l’avenir, veut tenir compte des leçons du passé. Dans ce monde où tout est mouvement, mais où tout aussi obéit à un ordre logique, un tel recueillement est le présage presque assuré d’une rénovation. Quelques années peuvent y suffire, à une condition : c’est qu’une volonté intelligente, désintéressée de tout autre objet, y préside avec cette persévérance qui fait les œuvres fécondes. S’il en est ainsi, si nous ne voulons pas désespérer de l’avenir dans la crise douloureuse où nous nous débattons, quel peuple a jamais eu plus que nous aujourd’hui besoin de se recueillir, de préparer dans le silence les élémens de sa régénération, de sa grandeur futures ? À cette œuvre, tous devront coopérer. Certes notre assemblée nationale a témoigné qu’elle avait le sentiment profond des besoins du pays, lorsque, répudiant tout autre mandat, elle a déclaré qu’elle voulait se consacrer d’abord à ce grand travail de notre réorganisation administrative ; mais c’est là une si lourde tâche, et qui exige un si rude labeur, que ce n’est pas faire acte de méfiance envers nos représentans que de chercher à côté d’eux les moyens d’atteindre le but le plus sûrement et le plus promptement possible. Nul d’ailleurs ne peut s’en désintéresser, et, s’il est vrai que science et conscience soient les conditions qui doivent présider à toute œuvre pour qu’elle soit durable, il appartient aux hommes de conscience de dire ce qu’ils savent, ce que leurs études spéciales et de longues années d’expérience leur ont appris. À ces titres, nous voulons rechercher quelle a été dans le passé notre marine