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tué que par une boue brûlante. Enfin l’on arrive sur le bord des lagoni, petits lacs de quelques mètres de diamètre remplis d’une eau bourbeuse, au milieu desquels s’opèrent les principaux dégagemens de gaz et de vapeur désignés sous le nom de suffioni. Rien ne peut donner une idée du mouvement tumultueux qui se produit dans ces bassins. Dans les plus vastes, les bulles qui affluent gonflent à chaque instant la surface du liquide. On voit apparaître une ampoule, qui atteint rapidement d’énormes dimensions, puis crève bientôt avec fracas en exhalant des flots de vapeur et en projetant une gerbe d’eau bouillante. Alors le liquide soulevé retombe et détermine la formation d’une grosse vague circulaire, qui bondit avec rapidité jusqu’aux bords de cette sorte de chaudière. Là s’opère un choc violent suivi d’un brusque remous ; mais déjà une nouvelle ampoule semblable à la première se montre au centre du réservoir : elle grossit, s’élève en dôme, se brise. Une émission bruyante de gaz et de vapeurs, des déjections brûlantes, un refoulement désordonné du liquide vers les bords du lagone, se reproduisent aussitôt, et toute cette série de phénomènes se renouvelle ainsi indéfiniment. Les grands lagoni sont entourés d’autres plus petits, où le mouvement est moins prononcé, mais où la vapeur se précipite peut-être encore avec plus d’impétuosité.

À ces milliers de jets naturels s’en joignent d’autres en assez grand nombre obtenus dans ces dernières années au moyen de forages artésiens. Lorsque la sonde est retirée après avoir atteint la nappe éruptive, une véritable explosion a lieu ; l’eau, la boue, les pierres, sont lancées à de grandes hauteurs ; puis peu à peu l’intensité de la poussée s’affaiblit, et ces suffioni artificiels finissent par ne plus se distinguer des jets naturels qui les entourent. On peut cependant à volonté leur faire reprendre l’aspect éruptif primitif ; il suffit pour cela de maintenir pendant quelque temps l’orifice du tube de forage hermétiquement bouché par un tampon ; quand on vient à enlever l’obstacle opposé à la sortie des fluides, une colonne d’eau à demi vaporisée et mélangée de gaz s’élance avec violence, entraînant avec elle de l’argile délayée et des pierres souvent volumineuses. Nous avons vu un jet, produit de la sorte, faire tourner pendant plusieurs heures avec une rapidité vertigineuse une roue dentée en fonte fixée à la partie supérieure d’un treuil, à une hauteur d’environ 5 mètres au-dessus de l’ouverture d’un trou de sondage.

Les mélanges gazeux des suffioni ont une composition bien plus complexe que ceux des terrains ardens et des salzes. L’acide carbonique, qui n’existait qu’en très faible proportion dans les émanations froides des Apennins, devient ici l’élément prépondérant. L’hydro-