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Bergullo est un petit village situé dans le district d’Imola. Le chemin qui y conduit à partir de cette ville est tracé au milieu de champs fertiles plantés de mûriers et de vignes. Des prairies artificielles couvrent les coteaux qui s’accentuent de plus en plus à mesure qu’on approche des contre-forts de la chaîne : l’église de Bergullo s’élève sur l’une de ces collines. Dans le vallon contigu serpente un ruisseau fangeux que l’on appelle Rio-Sanguinario (ruisseau sanguinaire) à cause de la couleur de ses eaux, et sur les bords duquel on aperçoit plusieurs buttes coniques, de dimensions inégales, formées par de l’argile blanchâtre. Au mois de mai 1869, il y en avait deux principales, entourées d’un certain nombre d’autres plus petites, mais semblables de tout point à celles-ci. La plus élevée avait environ 3 mètres de hauteur et 12 mètres de circonférence ; les plus basses étaient à peine de quelques centimètres. Toutes avaient leur sommet creusé en forme d’entonnoir, et donnaient issue en ce point à de grosses bulles de gaz combustible qui s’échappaient d’une façon intermittente au milieu d’une eau bourbeuse fortement salée qu’elles projetaient en éclaboussures sur leurs flancs. L’argile soulevée par le gaz et délayée par l’eau s’étendait en coulées de boue sur les revers extérieurs et se répandait sur le sol environnant. Chacun de ces petits cônes, avec cette ouverture terminale évasée en forme de coupe, avec ces filets de boue qui en découlent, présente pour ainsi dire en miniature l’aspect d’un volcan muni de son cratère et revêtu de ses coulées de lave. Aussi pour cette raison leur a-t-on donné le nom de volcans boueux.

La plupart de ces éminences de Bergullo étaient tellement régulières qu’on les aurait crues construites de main d’homme ; cependant quelques-unes étaient plus ou moins largement ouvertes sur un côté et donnaient issue par la fente à des petites traînées de boue qui allaient tomber dans le Rio-Sanguinario. Enfin on pouvait encore, aux environs des cônes, constater l’existence d’autres dégagemens gazeux s’effectuant simplement au niveau du sol ; l’argile rejetée alentour n’avait pu prendre une consistance suffisante pour former un cône. Ainsi dans cette même localité, certains dégagemens gazeux étaient pourvus de cônes de déjection, d’autres s’opéraient au ras du sol. Les cônes de déjection ne doivent donc pas être regardés comme constituant un caractère distinctif entre les volcans boueux et les salzes. En un même point, suivant les conditions variables d’humidité du sous-sol et suivant l’énergie du dégagement gazeux, on peut quelquefois trouver des cônes et d’autres fois en constater l’absence. Quelle que soit du reste l’apparence des bouches d’une salze, on voit, quand on approche une allumette enflammée d’un de ces orifices, se développer une flamme jaunâtre