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rains ardens échelonnés le long des Apennins, de Pietra-Mala à Bocca-Suolo, présentent donc entre eux sous tous les rapports la ressemblance la plus complète ; mais ce fait ne démontre rien de positif ni en faveur de la théorie de Volta, ni en faveur de celle de Spallanzani. Ces deux grands adversaires, dignes l’un de l’autre, ont laissé incertaine l’issue du combat qu’ils avaient engagé. Ajoutons que, si dans cette lutte Volta s’est montré imparfait comme naturaliste, Spallanzani l’a été plus encore comme chimiste. Les expériences faites à Barigazzo sont postérieures de treize ans à la découverte du gaz des marais, Spallanzani possédait le puissant moyen d’analyse imaginé par Volta, et malgré cela il maniait mal l’eudiomètre. Il finit par croire que le gaz des marais n’était autre chose que de l’hydrogène libre souillé par une certaine quantité de vapeurs d’un liquide carburé très volatil. On peut donc, sans craindre de nuire à l’éclat qui environne des noms comme ceux de Volta et de Spallanzani, reconnaître que, si ces deux savans ont imprimé dans leur discussion à propos des terrains ardens, comme dans toutes leurs œuvres, le cachet de leur génie, ils ont laissé néanmoins apercevoir certaines imperfections auxquelles les natures les mieux douées ne peuvent échapper.

Pendant son séjour à Barigazzo, Spallanzani fit connaissance avec un propriétaire intelligent du pays nommé Turini, et le détermina à installer un four à chaux sur la bouche de sortie des feux qu’il venait d’étudier. Turini suivit son conseil, fabriqua de la chaux vive en se servant de la chaleur que le terrain lui donnait gratuitement, et depuis lors cette exploitation si fructueuse n’a pas été abandonnée. Quand nous avons visité ce lieu au mois de mai 1869, la fabrication de la chaux était interrompue depuis quelques semaines. Le gaz se dégageait non-seulement du fond, mais des interstices des murs qui forment les parois latérales de la construction. Nous avons éteint les flammes en faisant jeter dans l’intérieur du four une grande quantité de neige, puis nous y sommes entrés pour y recueillir le gaz. À peine notre opération était-elle terminée, que le fluide combustible se rallumait avec une violente explosion au contact des pierres encore incandescentes de la muraille.


II.

Dans chacune des localités où nous avons reconnu l’existence de terrains ardens, il y a certains dégagemens gazeux qui, au lieu de se produire à sec, s’opèrent au milieu de nappes d’eau, et donnent ainsi naissance à des fontaines, ardentes. A Pietra-Mala, une