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turel de la région se trouvait auprès du village même, sur le penchant du coteau qui termine la crête de la montagne. Aussi étendu et plus actif encore que celui de Pietra-Mala, il était un objet de craintes superstitieuses pour les habitans du pays. Spallanzani, à force d’instances et probablement aussi à prix d’argent, finit par déterminer quelques ouvriers du village à venir l’aider dans son travail. Les flammes sortaient par une multitude de petits orifices disséminés au milieu de roches rougies et jaunies par une longue calcination, et couvraient un large espace ; on n’en approchait qu’avec peine. Les jets les plus faibles pouvaient à la vérité être éteints par l’action d’un vent fort, et Spallanzani raconte comment il y réussissait facilement en agitant son large chapeau de feutre ; mais la flamme des jets les plus abondans ne put être étouffée qu’en formant une sorte de bassin artificiel sur le terrain du dégagement gazeux et en y dirigeant l’eau d’un ruisseau qui coulait près de là. Une fois cette opération préliminaire effectuée, le gaz fut recueilli par la méthode ordinaire et transporté dans des flacons bien bouchés jusqu’à l’hôtellerie pour y être analysé. Spallanzani fit ensuite creuser une tranchée profonde afin de suivre jusqu’à une certaine distance la direction des canaux souterrains qui amenaient le gaz au dehors ; il vit non sans surprise qu’au lieu de s’enfoncer verticalement, ils se dirigeaient vers la partie centrale de la montagne. Enfin il reconnut, par une série d’observations suivies, que l’intensité et la hauteur des flammes augmentaient par les temps chauds et pluvieux, c’est-à-dire en général quand la pression barométrique diminuait.

Les expériences du savant naturaliste ont porté non-seulement sur les gaz de Barigazzo, mais encore sur ceux de Bocca-Suolo, village situé sur l’autre versant des Apennins[1]. Le terrain ardent de Bocca-Suolo présente quatre foyers distincts distribués sur une même ligne, à des distances inégales, sur une longueur d’environ 100 mètres. L’emplacement de ces feux se trouve au milieu des champs cultivés, dans un terrain pierreux d’un demi-hectare environ complètement dénudé et bouleversé par les éboulemens ; ils sont peu actifs et n’offrent rien de particulier. Il y a presque identité de composition entre les émanations de ce terrain ardent et celles de Barigazzo, de Pietra-Mala et de Porretta ; dans toutes domine le carbure d’hydrogène découvert par Volta. Les divers ter-

  1. Bocca-Suolo n’est pas à plus de 7 ou 8 kilomètres de Barigazzo, mais le passage de la crête qui sépare les deux villages est difficile pendant une grande partie de l’année à cause de la neige épaisse qui recouvre la montagne jusqu’à la fin de mai. Le long de ce parcours, la marche est excessivement pénible, car, dès que le soleil commence à s’élever sur l’horizon, la neige se ramollit à la surface, et l’on s’enfonce profondément à chaque pas.