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taient sans cesse les terrains ardens, comme des foyers toujours brûlans dans lesquels il n’y avait aucun dégagement de gaz sensible. Pour quelques personnes, ces feux provenaient de la combustion de liquides bitumineux dont le terrain était imprégné ; pour d’autres, imbues des idées qui régnaient encore à cette époque, le feu était un des quatre élémens naturels ayant sa réalité matérielle tout aussi positive que l’air, l’eau et la terre ; il n’y avait donc pas besoin de supposer l’existence de substances capables de l’entretenir. L’absence de toute matière inflammable visible dans les terrains ardens semblait donner raison aux partisans de cette opinion. Volta se préoccupait particulièrement de les réfuter ; c’est ce qui paraît l’avoir décidé à faire en 1780 le voyage de Pietra-Mala, en compagnie de deux de ses amis. « Quelque persuadé que je fusse, dit-il, de la nature des feux de Pietra-Mala, il me restait un scrupule : le plaisir de mettre en relief ma découverte de l’air inflammable pouvait m’avoir séduit ; c’est pourquoi je n’étais pas content que je n’eusse donné du fait des preuves incontestables et directes. Bien que je n’eusse pas besoin de ces preuves pour me satisfaire moi-même sur ce point, je les croyais nécessaires pour convaincre les autres, notamment ceux qui, trop attachés à leurs vieux principes et aux idées qu’ils ne peuvent se résoudre à abandonner, sont les ennemis déclarés de toute nouveauté et ne se rendent qu’à la dernière évidence. Je me proposai donc non-seulement de faire sur place les observations propres à découvrir la présence de l’air inflammable sur le terrain ardent de Pietra-Mala, à déterminer la quantité de cet air qui contribue à la production des phénomènes qu’on y observe ; mais je voulus encore démontrer la continuité du dégagement gazeux par les ouvertures du sol, mettre en évidence les circonstances qui le prouvent. »

À peine arrivé à Pietra-Mala et installé tant bien que mal à l’hôtellerie avec ses appareils d’analyse, Volta se fit conduire au terrain ardent par un paysan de la localité. Il semble avoir surtout étudié le principal des deux foyers, situé à environ 2 kilomètres au-dessous du village. La description qu’il en donne dans le mémoire publié au retour de son voyage fournit une image exacte de ce que l’on peut encore y observer aujourd’hui, et le récit de sa première excursion dépeint en même temps avec une bonhomie charmante les impressions du savant physicien à la vue des curieux phénomènes qu’il avait sous les yeux. « Quand je me transportai, dit-il, sur le lieu de la production des gaz, le jour était déjà clair, et le terrain illuminé par le soleil : ce qui fait que les flammes se voyaient à peine ; leur chaleur, plutôt que leur clarté, avertissait de leur approche, le me trouvais avec mes deux com-