Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/522

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaporisée, et qui vomit des fleuves de lave incandescente arrachée aux entrailles de la terre ?

Cependant, depuis un siècle, Beaucoup de géologues et de physiciens ont été, sans se l’avouer peut-être explicitement, partisans d’une théorie qui implique cette étrange assimilation. Pour avoir séduit tant d’intelligences élevées, pour entraîner encore un grand nombre d’hommes versés dans la connaissance des sciences naturelles, une opinion qui semble d’abord aussi paradoxale doit reposer sur des fondemens sérieux, et en effet, le point capital qui lui sert de base, c’est l’existence de toute une classe de phénomènes naturels intermédiaires entre les grandioses manifestations des volcans et la paisible évolution du gaz des marécages. Dans presque toutes les régions volcaniques, même dans des contrées quelquefois très éloignées des points où se révèle l’action des feux souterrains, au milieu de terrains stratifiés anciens ou récens pour la formation desquels l’eau semble avoir joué un rôle exclusif, on voit se produire des dégagemens spontanés de gaz complexes dont les élémens se retrouvent à la fois, en des proportions diverses, dans le gaz qui s’échappe de la boue des marais et dans celui qui fait bouillonner la lave étincelante des cratères.

Ces effluves gazeuses naturelles se présentent dans les conditions les plus variées. Aussi les a-t-on désignées par différentes dénominations qui en caractérisent les principaux aspects. Lorsque le gaz sort au milieu d’un terrain sec et pierreux, qu’il est assez abondant et assez riche en principes combustibles pour s’éteindre difficilement après avoir été enflammé, le lieu où il vient brûler ainsi est appelé terrain ardent. Si les orifices qui l’amènent au dehors donnent en même temps issue à une source d’eau douce ou minérale, et si les bulles qui éclatent à la surface de l’eau sont encore susceptibles de brûler, la source prend le nom de fontaine ardente, Si le gaz jaillit au milieu d’un sol argileux, et s’il arrive accompagné d’une petite quantité d’eau boueuse et salée, l’emplacement de son foyer d’émission se nomme salze ou salinelle. Enfin lorsqu’au lieu de se dégager à froid il sort à une haute température au milieu d’un jet rapide de vapeur d’eau, on a ce qu’on appelle un suffione.

La Haute-Italie comprend une région dans laquelle on peut observer toutes ces modifications diverses des évens naturels. Dans une suite de localités distribuées sur le versant septentrional des Apennins, le long d’une zone qui s’étend jusque dans l’Emilie, se voient des sources de gaz combustible à basse température, et un peu plus au sud, en Toscane, on rencontre un district où le sol est criblé d’ouvertures et de crevasses par lesquelles des gaz et de la vapeur d’eau s’échappent en sifflant, soit du sein de terrains arides, soit du milieu de petits lacs d’eau bouillante.