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vantage, et la production pourrait se développer. Tout serait pour le mieux, à la condition toutefois que ceux qui seraient placés entre le producteur et le consommateur trouveraient aussi leur compte à ne faire aucun profit ; mais comme cela ne peut pas être, comme la marchandise, avant d’arriver au public, est très fortement grevée de droits de toute espèce, dont l’impôt n’est généralement qu’une faible partie, il s’agit de savoir si cette partie qui revient au fisc est de nature à influencer sérieusement le prix des choses. Quand on y regarde de près, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Je prendrai pour exemple l’impôt de consommation contre lequel certains économistes se récrient le plus, l’impôt des boissons. Cet impôt se paie sous trois formes différentes : droit de circulation, droit d’entrée dans les villes ayant une population supérieure à 4,000 âmes, et droit de détail pour la vente au cabaret ou dans les cafés. M. Bocher, cherchant à se rendre compte de l’effet de cet impôt dans un remarquable rapport présenté à l’assemblée législative de 1849, établissait qu’il était de 1 fr. par hectolitre ou de 1 cent, par litre pour 18 millions d’individus qui ne supportaient que le droit de circulation, — de 3 fr. par hectolitre ou de 3 cent, par litre pour 5 millions d’autres qui habitaient les villes sujettes au droit d’entrée, — de 5 fr. par hectolitre ou de 5 cent, par litre pour ceux qui, dans les campagnes, consomment le vin au cabaret, — enfin de 7 fr. 50 c. l’hectolitre ou 7 cent. 1/2 le litre pour ceux qui subissent à la fois le droit d’entrée et le droit de détail : 7 centimes 1/2 par litre, tel est le maximum de la taxe que 5 millions d’individus seulement sont appelés à payer pour la consommation de leur vin en dehors de Paris, qui est régi par des conditions tout à fait exceptionnelles. Peut-on supposer qu’un pareil droit, même porté au maximum, soit de nature à entraver la consommation et à réagir sur la production ? Pour avoir la preuve du contraire, on n’a qu’à comparer les prix de la vente en gros et au détail ; la différence est quelquefois du simple au double, au triple et même au quadruple, c’est-à-dire que tel hectolitre qui vaut 25 francs en gros se vend au détail 75 et 100 francs. Cela résulte d’un tableau fort intéressant qui a été annexé au rapport de M. Bocher. Or, si le droit de détail est de 15 pour 100, et si la différence de prix entre la vente en gros et au détail est de 200, 300, même 400 pour 100, il est bien évident que l’impôt n’exerce aucune influence ; on le supprimerait que le vin ne serait pas moins cher : le dégrèvement profiterait exclusivement au détaillant, à celui qu’on n’a pas d’intérêt à favoriser. Du reste l’expérience en a été faite plusieurs fois. En 1830 notamment, on avait réduit le droit de détail de 15 à 10 pour 100, et abaissé dans une certaine proportion les droits d’entrée ; le fisc y perdit une