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qu’elles se passaient aux États-Unis avant la guerre de sécession. Lorsque le poids des impôts n’est pas lourd, qu’on le supporte aisément, la forme sous laquelle ils sont perçus est indifférente. Personne ne se plaint. Il n’en est plus de même quand les budgets se chiffrent par 2 milliards, ou 2 milliards 1/2, lorsque le montant des impôts égale le septième ou le huitième du revenu brut, et que chacun doit prélever jusqu’à 12 et 15 pour 100 sur ses ressources annuelles pour faire la part du fisc. Alors la forme devient sérieuse. Supposez pour un moment que nous ayons 2 milliards à demander au revenu général du pays : la moitié de ce revenu, pour ne pas dire les deux tiers, se compose de salaires, de traitemens à peine suffisans pour faire vivre les gens qui les reçoivent, de profits industriels qui, éparpillés entre des milliers de mains, sont pour la plupart d’un chiffre médiocre. Les exemptera-t-on de la taxe, pour la faire peser exclusivement sur ceux qui ont un revenu provenant de la rente, de valeurs mobilières ou de la terre ? On commettrait la plus grande iniquité, car beaucoup de ces rentiers sont moins aisés que les personnes qui reçoivent un traitement ou même un salaire. Il faudrait les exonérer aussi, et on arriverait en fin de compte à demander 2 milliards d’impôts à 4 ou 5 milliards de revenu, c’est-à-dire à en prendre environ la moitié. Et nous ne parlons pas des fraudes qui rendraient la taxe plus lourde pour les uns que pour les autres. Il suffit de poser les chiffres, et la base en est incontestable, pour démontrer que, étant donné un gros budget, il faut nécessairement s’adresser pour l’obtenir à d’autres sources qu’à l’impôt direct. Celui-ci n’y pourrait suffire.

On reproche à l’impôt indirect de ne pas être équitable, de frapper les uns plus que les autres, les pauvres plus que les riches. C’est un grief généralement admis et qui sert de thème à toutes les déclamations ; mais quand on va au fond des choses, on trouve qu’il n’est nullement fondé : — la taxe indirecte est au contraire celle qui se rapproche le plus de l’égalité. Elle a été imaginée précisément pour remédier à l’arbitraire qui résidait dans la répartition des impôts directs, et qui faisait qu’autrefois quelques-uns en étaient exempts par des faveurs toutes spéciales, tandis que d’autres y échappaient par la fraude, de sorte que le poids le plus lourd retombait sur ceux qui étaient de bonne foi, ou qui ne pouvaient pas se défendre. Il faut bien le dire, l’impôt est une chose désagréable pour tout le monde, chacun cherche à s’y soustraire le plus qu’il peut, et il y réussit d’autant mieux qu’il est atteint de moins de façons. Arthur Young disait, à la fin du siècle dernier, que le simple fait de taxes nombreuses pour arriver à recueillir une somme donnée était déjà un pas considérable vers l’égalité. « Si j’avais, continue-t-il, un bon système de taxes à proposer, ce serait de les faire porter