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de toute l’Europe. En quelques années, elle donna à la science Rulmann, Sorbière, Graverol, Cotelier, et surtout l’illustre Samuel Petit. « C’est un pays, disait Casaubon, qui n’a jamais manqué de savans, et qui en abonde aujourd’hui. » Malheureusement cette tradition sembla s’interrompre vers le milieu du xviie siècle, quand la faculté de théologie fut fermée et le collège des arts livré aux jésuites. Il y eut dès ce moment un affaiblissement notable dans les études sérieuses. Au lieu des âpres discussions théologiques qui avaient troublé l’époque précédente, mais qui maintenaient une certaine vigueur dans les caractères, on ne s’occupa plus que de tourner des vers galans et d’écrire en beau langage. La manie du bel esprit gagna tout le monde, et l’on se laissa séduire par cette littérature fade qui était à la mode dans les salons et les académies. Cependant l’amour de l’antiquité subsistait encore, et, à dire vrai, il n’a jamais tout à fait disparu de ce pays, où l’antiquité est si vivante. Ces beaux monumens restés debout, ces médailles et ces inscriptions qu’on y découvre et qui sollicitent sans cesse la curiosité, y ont entretenu comme une école permanente d’archéologie. C’est là que se forma Séguier. À dix ans, une médaille d’Agrippa qu’il gagna en jouant avec ses camarades, et dont il voulut se rendre compte, éveilla chez lui le goût de la numismatique. Il devint dès lors collectionneur passionné. Il aimait à raconter qu’étant encore élève, pour augmenter son petit trésor, il se fit descendre un soir dans un puits que l’on creusait au collège, et où il espérait faire quelque découverte, mais que, n’ayant pas pu en sortir, il fut forcé d’y passer la nuit et d’attendre au lendemain qu’on vînt l’en tirer. L’archéologie n’était pas sa seule passion. Un médecin ami de sa famille, et qui fut correspondant de l’Académie des Sciences, Pierre Baux, lui apprit à connaître et à aimer la botanique ; avant de sortir du collège, il avait décrit et classé toutes les plantes des environs de Nîmes. Son père, qui voulait lui céder sa charge, l’envoya étudier le droit à Montpellier. Séguier n’avait pas un penchant bien prononcé pour la jurisprudence, et Montpellier, avec sa grande école de médecine et son jardin des plantes, lui offrait des séductions auxquelles il lui était bien difficile de résister ; mais il était un fils soumis, et il se résigna par obéissance à devenir un avocat. Seulement il chercha le moyen de l’être le plus vite possible. Pour gagner du temps, il apprit par cœur les Institutes sans se piquer de les bien comprendre, et se hâta de revenir aux sciences qu’il préférait, surtout à la botanique, qu’il étudia sous des maîtres célèbres, N. Chicoyneau et. A. de Jussieu, et où il devint bientôt un maître lui-même.

De retour à Nîmes, il y reprit avec ardeur ses études d’archéo-