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UN SAVANT D’AUTREFOIS




Le savant auquel cette étude est consacrée, quoiqu’il ait appartenu à l’Académie des Sciences et à celle des Inscriptions, est aujourd’hui bien peu connu ; il faut avouer que c’est sa faute, et qu’il n’a rien fait pour que sa réputation lui survécût. Il a passé sa vie à préparer un grand ouvrage qui n’a jamais vu le jour, et, quand on est réduit à le juger sur les quelques mémoires qu’il a publiés, on a peine à comprendre les hommages que de son temps on rendait à son mérite. Séguier ne fut en réalité qu’un de ces esprits de second ordre, sages, laborieux, utiles, qui servent la science sans bruit, qui s’oublient volontiers pour elle, qui font ses affaires plus que les leurs, qui aident à son progrès général sans attacher leur nom à aucune découverte importante, et dont il ne reste bientôt qu’un vague souvenir ; mais une circonstance doit sauver sa mémoire de l’oubli : grâce à l’universalité de ses connaissances, à l’aménité de son caractère, à son obligeance infatigable, au besoin qu’il avait d’être informé de tout et d’informer les autres de ce qu’il savait, il a été pendant la plus grande partie du xviiie siècle une sorte de correspondant pour tous les savans du monde. Il les faisait connaître les uns aux autres, il les unissait et les reliait entre eux, il les tenait au courant des travaux qui se publiaient dans les différens pays. C’est un peu ce que faisait Peiresc au commencement du xviie siècle, et c’est ce qui donne tant de prix aujourd’hui à sa correspondance. Celle de Séguier est précieuse aussi ; ce rôle d’intermédiaire universel ou d’homme d’affaires de la science le mettait en relation avec toute l’Europe. Il n’est guère de savant en Italie, en France ou en Allemagne qui ne lui ait adressé ou n’en ait reçu quelque lettre. Un homme aussi rangé, un collectionneur aussi soigneux ne devait rien laisser perdre chez lui. À moins qu’on ne l’en priât instamment, comme faisait le prudent Sainte-Croix, il se gar-