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à se livrer bataille sur cette question de la capitale comme sur bien d’autres, sur la question de la république ou de la monarchie notamment, et ce qui est vrai aussi, c’est qu’entre ces deux camps extrêmes il se forme de plus en plus une masse sensée, modérée, libérale, honnêtement patriotique, qui ne demande pas mieux que de suivre sans parti-pris cette politique définie l’autre jour par M. Thiers dans un des plus éloquens et des plus merveilleux discours de sa longue carrière. Quelle est cette politique ? C’est tout simplement d’éviter ce qui pourrait diviser, d’ajourner les questions constitutionnelles qui mettraient subitement aux prises toutes les passions, et de s’en tenir franchement, résolûment à ce qui doit être l’objet de toutes les pensées et de toutes les volontés. Il s’agit de réorganiser le pays, de ramener nos prisonniers d’Allemagne, de reconstituer une force militaire, de remettre l’administration tout entière en mouvement en restituant aux départemens, aux communes, leurs conseils électifs, remplacés par des commissions dictatoriales, de rendre des bras à l’agriculture et à l’industrie, de préparer les combinaisons financières qui doivent nous délivrer, de refaire en un mot de cette France qui saigne par toutes ses blessures une France se reprenant à la vie. L’œuvre est certes assez laborieuse, assez belle, et elle a bien de quoi tenter tous les dévoûmens. M. Thiers s’y est mis avec une généreuse passion, et il ne pouvait choisir des hommes mieux faits pour le seconder dans sa politique que le général d’Aurelle de Paladines, qui est aujourd’hui à la tête de la garde nationale de Paris, M. Roger du Nord, qui devient le chef d’état-major de cette garde, et M. Calmon, le nouveau sous-secrétaire d’état du ministère de l’intérieur.

Qu’arrivera-t-il plus tard ? Ce sera au pays libre, apaisé et ranimé, de se prononcer définitivement Pour le moment, cette œuvre de réparation s’accomplit sous la république ; si elle réussit, elle sera accomplie au profit de la république, et le chef du pouvoir exécutif n’a point hésité à dire aux républicains éclairés et sincères de l’assemblée que la république était entre leurs mains, qu’elle serait le prix de leur sagesse, comme aussi ils lui porteraient sans doute le coup le plus funeste en soulevant sans cesse des questions irritantes ou inopportunes, en acceptant des apparences de complicité avec tout désordre, avec toute violence. M. Thiers n’a pas été seulement habile, il ne s’est pas montré seulement un tacticien consommé ; il a parlé avec un accent de sincérité, une puissance de raison, une décision lumineuse de jugement, qui ont entraîné tous ces esprits indécis et embarrassés de trouver leur chemin à travers les obscurités de l’heure présente. L’assemblée s’agite, M. Thiers la conduit, c’est certainement ce qu’il y a de plus rassurant, et c’est la bonne fortune de la France, après tant de déceptions et d’angoisses, de sentir ses affaires entre les mains d’un homme qui réunit dans une si juste et si merveilleuse combinaison la fierté patriotique et la prudence, l’expé-