Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et c’est à toi que je le dois,
À tes lansquenets, à tes reîtres,
À toutes ces bandes de traîtres
Qui m’ont lâchement mise en croix.

Comme le martyr de Judée,
Il me fallait ma passion ;
Après la flagellation,
J’aurai le nymbe, ayant l’idée.

Et tant que vibrera ma voix,
Fût-ce au fond des nuits funéraires,
Je crierai : Les peuples sont frères,
Et leurs ennemis sont les rois !

Ah ! tu pouvais être un Sévère,
Un Marc-Aurèle dans leur camp,
Et ta conscience, abdiquant,
Se laisse briser comme un verre.

Jusqu’en leur conseil irrité,
Au nom de tes droits qu’on expose,
Dieu t’ordonnait de prendre en cause
La justice et l’humanité.

Pauvre prince dont le cœur saigne
À des pleurs qu’il peut empêcher,
Et qui, plutôt que les sécher,
Obéit à Bismarck, qui règne,

À cet ours du pays d’Odin,
Moltke, aussi cruel qu’invisible,
Atroce en sa haine impassible,
Et qui lui parle avec dédain !

Vous parlez d’Attila, sauvages,
Vous vous nommez fléaux de Dieu ;
Laissez donc ! je connais ce jeu
Et le sens de tous vos ravages.

Vous n’êtes que des Allemands
Grossiers, jaloux, fils de Guillaume !
Il vous plaît d’évoquer Sodome
Et de parler de châtimens !

Eh bien ! soit, j’accepte l’outrage
Et ce désespoir infini :
Dieu me frappe, qu’il soit béni !
Sous sa main renaît mon courage,