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rato n’est plus respectée ; on voit continuellement des Mongols traînant des troncs de pins vers la plaine.

Après la chaleur, les explorateurs se trouvent assaillis par un orage si épouvantable que le père David craint pour le sort de ses collections, fruit, dit-il, on peut le croire, de peines incroyables. L’herbier est sauvé ; mais les boîtes d’insectes ont été si rudement ballottées qu’il y a des dégâts irréparables. Nos voyageurs sont transis de froid et d’humidité, et il est impossible d’avoir dû feu. Les provisions ayant beaucoup diminué, on revient au point de départ. L’abbé David avait touché les limites occidentales de l’Ourato ; mais il tenait encore à visiter les plaines et les montagnes du nord. Une troisième excursion est décidée, et le 24 juillet, par un temps pluvieux, la petite caravane se remet en marche avec une nouvelle provision de millet et de farine de haricots. On traverse des collines carbonifères, de hautes prairies, et alors apparaissent les montagnes de Tchangini-Oula, qui séparent l’Ourato de la principauté de Mao-ming-ngnan, montagnes sèches couvertes de graminées, dépourvues d’arbres, à peine couvertes de broussailles. Au-delà, une plaine presque stérile que les Chinois cultivent est bornée par un autre massif de montagnes. Le sol est jonché d’ossemens humains, car les Mongols n’enterrent pas les morts. Sur de hautes collines verdoyantes se dresse l’habitation du grand lama d’Ou-thang-djao, composée de belles tentes arrondies ; de brillantes cavalcades de lamas, aux éclatans habits jaunes et rouges, passent en jetant un regard dédaigneux sur les Européens qui cheminent lisiblement à la suite du chameau. Un extérieur misérable n’est pas plus une recommandation à l’Ourato qu’ailleurs. — Au reste, les jours difficiles se succèdent pour nos voyageurs, qui rentrent à Sartchi le 1er août avec une nouvelle récolte de plantes et d’animaux. Pendant plusieurs jours encore, l’abbé David fait des excursions vers deux lacs situés à une vingtaine de lieues dans le pays des Ortous ; il voudrait mieux explorer cette dernière région, mais le guide est malade : il doit y renoncer. Quittant Sartchi, le 27 août, le savant lazariste reprend le chemin de la capitale du céleste empire, et après deux mois encore sur la route que l’on connaît, il rentre à Pékin, ayant conservé la santé malgré les plus dures fatigues et les plus grandes privations. Les résultats scientifiques pouvaient seuls les faire oublier. C’est lorsque nous aurons comparé le caractère des productions naturelles dans les diverses provinces de la Chine qu’on pourra surtout les bien apprécier.

Émile Blanchard.