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L’abbé David parvient à louer une petite cour contenant deux maisonnettes, ou, pour parler avec exactitude, deux cabanes couvertes en terre ; ce n’est pas brillant, mais on est chez soi, et c’est l’essentiel. La première pensée en allant battre la campagne est de saluer le Hoang-ho. C’est bien le Fleuve-Jaune, — l’eau boueuse coule avec lenteur, emportant des fragmens de terre meuble. Les oiseaux en foule sur les flaques d’eau du voisinage se livrent à tous les caprices ; les fleurs paraissent de divers côtés, et le naturaliste trouve à cueillir diverses espèces de plantes qu’il n’a jamais observées dans le Pe-tche-li : une violette, un liseron, une ancolie (Aquilegia viridiflora), dont la fleur toute verte à l’inférieur est à peine tachetée de pourpre à l’extérieur.

Les Européens, qui d’abord n’avaient excité que de la curiosité, ne tardent pas à causer de l’inquiétude. Les autorités viennent s’enquérir ; les habitans de Sartchi craignent d’avoir affaire à des espions, à des chercheurs d’or ou d’argent, à des hommes capables d’appauvrir le pays. On s’efforce de les tranquilliser en les assurant que le but scientifique est le seul motif du voyage ; ils comprennent sans doute assez mal ce langage, mais ils s’en contentent. A la distance de 3 ou 4 lieues vers le nord, il y a sous de petites montagnes des mines de houille qui méritent une visite. Les couches de terrain carbonifère, reposant sur le granit et le gneiss, sont tourmentées d’une manière remarquable ; les couches de grès, de schistes et de houille se répètent sur le même point plus de quarante fois et toujours dans le même ordre. La houille extraite par blocs est portée à des d’homme, et une partie de ce charbon excellent et bitumineux est aussitôt brûlée dans d’énormes foyers pour être convertie en coke qui se vend à un prix double de celui de la houille. Selon toute apparence, cette exploitation remonte à une époque fort ancienne. De tous côtés, la végétation charme les yeux ; après les ornnithogales, la violette à odeur de rose, les églantiers jaunes formait de magnifiques buissons sur les montagnes, ce sont les genévriers épineux, les corydales, les astragales à fleurs roses, de nouveaux liserons. Dans les lieux sablonneux, l’air est embaumé par une espèce de la famille des pavots (Hypecoum) et par une borraginée qui croît également dans le Pe-tche-li[1] ; dans les anfractuosités des roches, se montrent des chèvrefeuilles, des légumineuses du genre caragana, un prunier épineux, l’érable de tartarie, l’ormeau, une épinevinette à larges feuilles, un coteonaster, des thuias, plusieurs sortes du genre des spirées dont le type est connu chez nous, sous le nom vulgaire de reine des prés. Le passage des oiseaux continue encore, et quelques-uns d’entre eux tombent sous les coups des chasseurs.

Le père Armand David a reçu l’invitation de visiter la lamaserie ;

  1. La Tournefortia arguzia.