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avis donné au voyageur. Plus que jamais, il devient difficile d’obtenir des renseignemens sur le pays qu’il s’agit de traverser ; mais la présence des voleurs sur les chemins est certaine : plusieurs personnes ont été dévalisées, d’autres tuées.

Cependant on ne s’inquiète pas du danger : l’isolement n’est pas encore complet ; le père Armand David aura la compagnie de plusieurs confrères jusqu’à Eul-che-san-hao, à trois journées de marche dans la direction qu’il faut suivre pour atteindre l’Ourato. Désormais peu assuré de rencontrer soit une auberge, soit une habitation ouverte à l’étranger, il achète une tente mongole qui sera sa maison dans le désert. Aux derniers jours de mars, tout invite au départ, le temps est devenu agréable, l’air presque tiède ; des papillons commencent à voltiger, des aigles planent sur les montagnes, des grues et des goélands passent en grand nombre ; les bartavelles se montrent sur les rochers, ainsi que la fauvette de montagne et le traquet leucomèle, les choucas gagnent le nord, et les freux, qui sont sédentaires, coupent de petites branches d’ormeaux pour construire leurs nids.

Le 2 avril, l’infatigable lazariste se remet en route, marchant à pied ; le chemin côtoyant la rive nord du Yang-ho est fort mauvais, et les charrettes chargées des bagages subissent des accidens ; l’une verse, l’autre s’enfonce dans la glace. On passe sur la rive méridionale, qui appartient à la province de Chan-si, et bientôt apparaît le village de Sin-pin-keou, qui éveille l’attention, car c’est ici la frontière de la Chine. Des soldats demandent les passeports, que nos missionnaires se dispensent de montrer en déclinant leur qualité. On franchit la dernière muraille, aujourd’hui presque entièrement détruite en cet endroit : seules, des tours en terre disséminées sur le versant des montagnes restent debout, marquant la place où fut le monument que les siècles et la main de l’homme n’ont pas respecté.


II.

Toute la région montagneuse qui occupe la partie septentrionale des provinces de Pe-tche-li et de Chan-si a le même caractère et les mêmes productions naturelles que la Mongolie ; — la limite est donc purement artificielle. Après avoir dépassé la frontière, nos voyageurs laissent au sud le Yang-ho, qui n’est plus qu’un misérable torrent, et remontent vers le nord-ouest à travers une petite chaîne de montagnes volcaniques. Encore une vallée couverte par les alluvions, et l’on entre à Eul-che-san-hao, situé sur un plateau entouré de collines. Le village est occupé par des Chinois originaires du Chan-si ; devant l’invasion des peuples du céleste empire, les Mongols se sont retirés et ont déserté de vastes espaces.