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même du jour où avait paru la défense, ses aides-de-camp parcouraient les établissemens publics pour veiller à la stricte exécution des ordres du général.

Nous en étions là en Bourgogne, vivant dans une sécurité conquise par la valeur de notre garnison, lorsque la nouvelle de l’armistice tomba au milieu des espérances excessives qu’une victoire, très importante pour la ville, mais sans résultat pour la France, avait excitées. Quel désappointement et que de colères dans les légions ! Mais l’heure était venue où le dénoûment fatal, si longtemps suspendu, et qui avait pu sembler conjuré par l’effort d’une volonté héroïque, devait se précipiter avec une puissance irrésistible. Le 31 janvier, l’armée des Vosges, menacée d’être coupée sur la Saône, quittait Dijon à la hâte avec son artillerie et ses bagages ; le lendemain matin 1er février, la malheureuse ville, occupée par l’avant-garde de Manteuffel, voyait reparaître sur ses places et rentrer dans ses foyers le tenace ennemi dont elle se croyait à jamais délivrée. Je serai bref sur cette seconde occupation, qui d’ailleurs n’a pris fin qu’après mon départ. Il me suffira d’en marquer d’un trait le caractère. Malgré l’armistice, dont nous étions exceptés, il est vrai, malgré le sentiment général d’une paix prochaine et la détente des esprits, cette invasion, non plus badoise, mais très prussienne, fut plus insolente et plus dure que la première. Elle commença par un essai de pillage. Le premier régiment qui entra dans la ville était celui qui avait perdu son drapeau le 23 janvier ; sans doute, en prévision d’une résistance nouvelle, des promesses avaient été faites aux soldats, et, le départ de Garibaldi ayant supprimé la lutte, il leur en coûtait de renoncer au butin espéré. On avait ordonné aux habitans de leur servir à déjeuner ; nos hôtes firent ce qu’ils purent pour emporter le couvert. Malheur à l’argent trop visible, aux tables bien garnies et aux tiroirs mal fermés ! Pénétrant en bande chez les marchands pendant que quelques-uns discutaient les prix, la troupe faisait main basse sur les objets et dévalisait le magasin. Heureusement ils partirent ce même jour, laissant l’œuvre ébauchée : le temps avait fait défaut ; ils n’avaient pu qu’effleurer du bout des doigts le bien d’autrui. Les régimens qui suivirent se montrèrent plus retenus, la propriété fut respectée des soldats ; en revanche, leurs généraux l’attaquèrent. Quand je partis, le 15 février, l’alarme était dans le département ; à Beaune, à Nuits, au relais des diligences, on entourait les voyageurs venant de Dijon, on les questionnait avec anxiété : l’ennemi méditait un nouveau coup de finance, et le préfet, avec une louable énergie, s’efforçait de le parer ou de l’adoucir. On parlait d’une capitation de 25 francs, de 50 francs par personne, ou tout au moins par électeur ; puis cela se réduisait à une contribution générale de plusieurs millions dont on