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pas le temps d’avoir froid. Sigismond attend demain Nadaud, qui a donné sa démission de préfet de la Creuse, et qui est désigné comme candidat à la députation par le parti populaire et le parti républicain du département. Il représente, dit-on, les deux nuances qui réunissent ici, au lieu de les diviser, les ouvriers et les bourgeois avancés. Sigismond a fait en quelques jours un travail prodigieux. Il a fait déblayer la salle des gardes, qui était abandonnée à tous les animaux de la création, où les chouettes trônaient en permanence dans les bûches et les immondices de tout genre entassées jusqu’au faîte. On ne pouvait plus pénétrer dans cette salle, qui est la plus vaste et la plus intéressante du château. Elle est à présent nettoyée et parfumée de grands feux de genévrier allumés dans les deux cheminées monumentales surmontées de balustrades découpées à jour. Le sol est sablé. Une grande estrade couverte de tapis attend l’orateur, des fauteuils attendent les dignitaires de l’endroit. Toute la garde nationale peut être à l’abri sous ce plafond à solives noircies. Nous visitons ce local, qui ne nous avait jamais été ouvert, et qui est un assez beau vestige de la féodalité. Il est bâti comme au hasard ainsi que tout le château, où les notions de symétrie paraissent n’avoir jamais pénétré. Le carré est à angles inégaux, le plafond s’incline en pente très sensible. Les deux cheminées sont dissemblables d’ornemens, ce qui n’est point un mal ; l’une occupe le fond, l’autre est située sur le côté, dont on n’a nullement cherché le milieu. Les portes sont, comme toujours, infiniment petites, eu égard à la dimension du vaisseau. Les fenêtres sont tout à fait placées au hasard. Malgré ces vices volontaires ou fortuits de construction, l’ensemble est imposant, et porte bien l’empreinte de la vie du moyen âge. Une des cheminées qui a cinq mètres d’ouverture et autant d’élévation présente une singularité. Sous le manteau, près de l’âtre, s’ouvre un petit escalier qui monte dans l’épaisseur du mur. Où conduisait-il ? Au bout de quelques marches, il rencontre une construction plus récente qui l’arrête.

3 octobre.

Ma petite chambre, si comfortable en apparence, est comme les autres lézardée en mille endroits. Dans le cabinet de toilette, le vent éteint les bougies à travers les murs. L’alcôve seule est assez bien close, et j’y dors ; enfin le changement me réussit toujours.

Dans la nuit pourtant je me rappelle que j’ai oublié au salon une lettre à laquelle je tiens. Le salon est là, au bout d’un petit couloir sombre. J’allume une bougie, j’y pénètre. Je referme la porte derrière moi sans la regarder. Je trouve sur la cheminée l’objet cherché. Le grand feu qu’on avait allumé dans la soirée continue de brûler,