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mutuel des parties est parfait. En chimie, comme en zoologie, comme en botanique, le type est le concept fondamental au point de vue taxonomique. Les grandes découvertes contemporaines, particulièrement les découvertes récentes de la chimie organique, l’ont bien fait voir. Elles procèdent toutes d’une théorie spéculative sur la structure éminemment rationnelle des choses. La vraie philosophie de l’esprit est peut-être dans l’étude de ces concepts fondamentaux de l’entendement, comme la vraie philosophie de la nature est dans l’étude des forces primordiales se manifestant par les phénomènes sensibles du monde qui nous est extérieur. On arrive ainsi par une nouvelle voie à la confirmation des idées de Leibniz, car ces concepts généraux, ces expressions logiques, ces universaux, d’une part démontrent dans l’esprit ces aptitudes innées dont Leibniz voulait constituer la philosophie première, de l’autre impliquent dans la nature une tendance au développement, à la métamorphose et à la perfection, c’est-à-dire un ressort intelligent.

Une école brillante de mathématiciens et de physiciens s’est élevée récemment contre les doctrines dont on vient de suivre le progrès dans les sciences de la nature. On professe dans cette école un cartésianisme exagéré, contestant toute réalité aux forces intimes, aux spontanéités, aux entéléchies, aux monades. C’est un retour avoué au géométrisme avec toutes ses rigueurs, et aussi avec toutes ses illusions. On y proscrit l’attraction et l’affinité sous prétexte qu’il est impossible de se représenter ces énergies sans imaginer dans la matière une multitude de petites mains qui s’accrochent. On y met tout en formule, et on y proclame chimérique ce qui n’est pas susceptible d’être exprimé mathématiquement. On y définit la force le produit mg de la masse par l’accélération, et la force vive le produit mv2 de la masse par le carré de la vitesse. — Remarquons d’abord combien il est peu philosophique d’envisager comme des produits ce qu’il y a au monde de plus simple et de plus irréductible, d’emprisonner dans les limites rigides d’un monôme la vivante palpitation de l’infini et de l’absolu dans les choses. En second lieu, il semble que vouloir définir la force par un algorithme, c’est imiter celui qui prétendrait que les flèches dont on se sert dans les schèmes géométriques pour figurer la direction des forces sont l’image exacte de celles-ci. Le chiffre est le signe de la quantité, la ligne celui du mouvement. La force est autre chose que la quantité, autre chose que le mouvement ; mais supposons les définitions convenables : on peut demander quelles sont les causes qui, dans la masse, déterminent l’accélération, la vitesse, la résistance. Or il est impossible de ne pas rattacher ces causes à un principe supérieur au géométrique, à une spontanéité plus ou moins analogue à l’effort qui chez nous précède l’action. On est toujours ra-