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simples connus sous le nom d’atomes, et qui n’ont de commun que le nom avec ceux de Leucippe et de Descartes. Idéalités pures et néanmoins principes de tout ce qui est réel, ces atomes sont déterminés et classés par des fonctions absolument dynamiques. La chimie établit dans ces atomes l’existence de forces primitives qu’elle désigne sous le nom d’atomicités, et qu’elle mesure non par le poids ou mouvement, mais par le produit immédiat du jeu même de ces forces. « L’énergie avec laquelle un corps se combine à un autre corps, dit M. Würtz, est indépendante de la faculté qu’il possède d’attirer ce dernier. La première est l’atomicité, la seconde est l’affinité. » Les atomicités sont les capacités d’action, les pouvoirs de combinaison immanens ou plutôt consubstantiels aux atomes. Tel est aujourd’hui le langage des chimistes les plus autorisés. Ils considèrent dans les corps des vertus électives, des tendances à la saturation, des appétitions qui impliquent quelque chose d’antérieur et de supérieur au mouvement, approchant de ce qui en nous détermine l’action. La chimie n’est plus dans les apparences et les formes perceptibles, dans les brillantes apparitions qui charment ou éblouissent le sens ; elle est dans ces forces sourdes, dans ces monades agissantes, substances de la substance, matières de la matière. Les corps ne sont plus caractérisés seulement par leur physionomie extérieure et présente ? ils le sont encore par ce qu’ils ont de plus caché, par le principe de leur existence passée et à venir, par un ressort qui leur est aussi intime que l’âme nous l’est à nous-mêmes. Ce qui en eux frappe nos sens n’est que l’enveloppe de leur vraie nature. Pour Faraday comme pour M. Dumas, pour M. Berthelot comme pour M. Würtz, tout est ici dans une harmonie dynamique. Un illustre chimiste anglais mort récemment, Graham, l’inventeur de la dialyse, a même imaginé sous le nom d’ultimates des principes plus simples encore que les atomes, de véritables points substantiels dont l’essence est déterminée par le genre des vibrations auxquelles ils sont soumis, et détermine à son tour la nature diverse des corps. Ainsi les monades sont devenues dans les phénomènes vitaux les élémens anatomiques avec leurs attributs consubstantiels, et dans les phénomènes chimiques les atomes avec leurs attributs analogues. L’atomisme grec et l’atomisme cartésien avaient conçu des corpuscules géométriques et mécaniques : Leibniz a conçu les principes des activités phénoménales que n’expliquent ni la géométrie, ni la mécanique.

Interrogeons enfin la physique d’aujourd’hui, et nous y trouverons encore les mêmes idées. Elle ramène tout aux vibrations, tant de ce qu’elle appelle atomes matériels que de ce qu’elle nomme éther. D’après elle, les phénomènes physiques s’expliquent par le système des mouvemens des atomes et de l’éther, et, ces mouve-