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conseillers nouveaux, créatures préfectorales d’une vie dépendante et éphémère.

Une question plus importante encore, à laquelle on attachait le salut de la France, était la convocation d’une assemblée nationale. Le gouvernement l’avait promise, et la majorité des provinces la désirait. Les électeurs furent convoqués pour le 16 octobre, puis pour le 2 du même mois, et de nouveau pour le 16. La fatalité qui pesait sur la France fit encore rapporter ces décrets comme tant d’autres. On s’était préparé à ces élections avec autant d’activité que l’exigeait la brièveté des délais. Les partis avaient été presque unanimement relégués à l’écart. La république était sincèrement acceptée, les électeurs montraient des dispositions favorables pour les noms nouveaux et pour les hommes jeunes ; mais quelle était la conduite du gouvernement à l’égard du suffrage universel, de ce souverain dont il avait si souvent, dans l’opposition, prétendu défendre la liberté violée ? Hélas ! c’est un triste spectacle que celui des démentis que les hommes réputés les plus libéraux se donnent à eux-mêmes. Il nous reste du mois de septembre deux documens sur les élections, une circulaire de M. Laurier, un décret de M. Crémieux. Tous deux renouvellent les vieux erremens pour égarer et fausser le suffrage. La circulaire de M. Laurier, en date du 23 septembre, rappelle aux préfets qu’il est de leur devoir « d’éclairer » les électeurs, sur lesquels « les pratiques de la candidature officielle ont exercé une action si démoralisatrice. » Elle préjuge la question à résoudre en proclamant que la forme républicaine est supérieure au suffrage universel, et n’en pourrait en aucun cas supporter une atteinte. On ne saurait sans doute avoir une déférence plus outrecuidante pour un souverain nominal auquel on prétendrait dicter des ordres.

Ce qu’était comme conseil la circulaire de M. Laurier, le décret de M. Crémieux l’était comme injonction. Toutes les lois électorales antérieures étaient remaniées de manière à fausser les résultats du scrutin. Il eût été facile de s’en tenir aux prescriptions du décret de Paris du 8 septembre 1870, qui rétablissait purement et simplement la loi du 15 mars 1849 ; mais les membres de la délégation de Tours avaient le goût des innovations. La question du suffrage au canton et du suffrage à la commune a toujours été l’objet de vives contestations. Des deux côtés, on fait valoir des argumens solides. Contre le scrutin communal, on allègue les difficultés matérielles des urnes, des vérifications, l’impossibilité de la complète indépendance et du secret effectif des votes. Contre le scrutin cantonal, on invoque les distances, l’inégalité qui en résulte entre les habitans des villes et les habitans des campagnes, la prépondérance injuste qui en ressort pour les partis avancés ou exaltés. Ces objections ont une incontes-