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hommes à l’arrière-garde. — Les Prussiens ont occupé Vierzon sans faire de mal ; ils y ont vendu des cochons volés ; ils entendent le commerce. Le général Chanzy se bat vigoureusement du côté de Blois, cela paraît certain. Châteauroux est encombré de fuyards dans un état déplorable. Les Prussiens n’auraient fait que traverser Rouen. Le gouvernement est à Bordeaux.

14 décembre.

On dit que l’ennemi est en route en partie sur Bourges, et que de l’autre côté il bombarde Blois. Les Prussiens paraissent vouloir descendre la Loire jusqu’à Nevers, traverser le centre pour se reformer à Poitiers, c’est-à-dire envahir une nouvelle zone entre le midi et Paris. Nous devons avoir eu encore une grosse défaite entre Vierzon et Issoudun ; on n’en parle pas, mais il y a tant de fuyards et dans un tel état d’indiscipline qu’on suppose un nouveau malheur. Nous sommes sans journaux et sans dépêches ; le gouvernement est en voyage. Ce soir, un journal nous arrive de Bordeaux ; il ne nous parle que de l’installation de ces messieurs.

15.

Nous aurions repris Vierzon ; mais qu’en sait-on ? De Blois, on ne sait rien. Le général Chanzy donne encore de l’espérance. Il paraît être résolu, bien armé et avoir de bonnes troupes. Bourbaki serait à Bourges, occupé à rallier les fuyards du corps d’armée du centre de la Loire. On dit qu’ils ont tellement ravagé la campagne qu’il ne reste plus un arbre autour de Bourges. C’était un riche pays maraîcher ; espaliers et légumes seraient rasés comme par le feu. On annonce ce soir que Bourbaki est reparti avec cette armée reformée à la hâte et sans résistance. Ils veulent bien se battre, ces pauvres troupiers, ils veulent surtout se battre. Ce qu’ils ne supportent pas, ce que les Prussiens les plus soumis ne supporteraient pas mieux, c’est la famine, la misère, la cruauté du régime qu’on leur impose. — Au lieu de se rapprocher de Paris, Bourbaki aurait l’intention d’aller couper la retraite aux Prussiens vers la frontière. Seraient-ils en retraite ? Et on nous le cacherait ! Il y a dans l’atroce drame qui se joue l’élément burlesque obligé.

Passage de M. Cathelineau à Châteauroux à la tête d’un beau corps de francs-tireurs qui disent leurs prières devant les populations, bien qu’ils ne soient ni Vendéens ni Bretons, et qu’ils ne se soient pas encore battus.

16.

Calme plat, silence absolu. Le repos est dans l’air. Le temps est rose et gris, les blés poussent à perte de vue. Il ne passe personne, on ne voit pas une poule dans les champs. Cette tranquillité extraordinaire nous frappe tellement que nous nous demandons si la