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ment attaqué le 9 et le 10 par des forces considérables, battu à Bacon et à Coulmiers, puis rejeté sur Artenay et même sur Toury. Nous prîmes 2 canons et 2,500 ennemis. Le corps entier de von der Thann aurait pu être amené à se rendre, si des lenteurs et des irrégularités dans l’exécution n’avaient entravé le plan du général d’Aurelle. Quoi qu’il en soit, nous étions maîtres d’Orléans, et nous avions remporté un succès dont l’influence morale fut énorme en France.

Les événemens qui suivirent depuis le 10 novembre jusqu’au 5 décembre sont entourés d’une certaine obscurité ; le gouvernement de Bordeaux avait commandé le silence sous les peines les plus sévères. Les dépêches officielles étaient des énigmes, les bulletins prussiens, apportés par les journaux anglais, ne sont pas beaucoup plus clairs. Au milieu de ces ténèbres, voici le récit aujourd’hui le mieux accrédité. Le corps battu du général de Thann était resté cantonné entre Toury et Étampes, et il avait immédiatement appelé du secours. On lui envoya la division de cavalerie du prince Albrecht, la division Wittich et le 13e corps d’armée. C’était, y compris le corps de von der Thann, un effectif d’environ 70,000 hommes ; ces forces réunies composèrent l’armée du grand-duc de Mecklembourg. En même temps, l’on donna ordre à Frédéric-Charles, qui était à la tête de trois corps, d’abandonner son plan primitif de marche sur Nevers, et de se porter sur Orléans par la route de Fontainebleau, Malesherbes et Pithiviers, ainsi que par la route de Troyes, Sens et Montargis. Ce mouvement devait être lent à exécuter, car à la date du 9 novembre, jour de la bataille de Coulmiers, Frédéric-Charles n’était encore qu’à Commercy. L’armée du général Manteuffel, qui se dirigeait de Metz vers le nord, avait reçu des instructions pour avoir à se rabattre sur Paris à la première réquisition. La position de l’armée d’investissement était très critique, de grandes inquiétudes régnaient à Versailles. Cependant le général de Paladines s’était contenté de faire camper quelques divisions sur le premier quart de la route de Paris à Orléans, entre Chevilly et Artenay. Il se retranchait, et paraissait vouloir rester à poste fixe dans la ville qu’il venait d’occuper. Que se passait-il donc ? Une chose tristement simple : l’armée de la Loire n’était pas encore prête. Deux corps seulement semblent avoir pris part à la marche sur Orléans, et l’armée de la Loire devait se composer de quatre corps. Le général attendait donc que toutes ses troupes pussent entrer en ligne. Les Prussiens, sous le grand-duc de Mecklembourg, payèrent d’audace et se jetèrent sur Dreux, où ils rencontrèrent quelques bataillons de mobiles du Calvados et de la Manche ; ils vinrent à bout de ces recrues en nombre très inférieur, sans canons, armées seulement