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nait Orléans et se retirait sur la rive gauche de la Loire. L’ennemi, suivant une habitude nouvelle dans la pratique de la guerre, et dont il ne s’est jamais départi dans cette campagne, avait bombardé cette ville ouverte et incendié la gare. Il s’établit à Orléans à poste fixe, et détacha immédiatement de nombreux éclaireurs sur Meung et au-delà du fleuve, dans le val de la Loire. La perte d’Orléans était un événement grave ; l’on s’explique difficilement l’incurie qui ne le prévint pas. On nous avait avertis plusieurs jours à l’avance que des troupes considérables se massaient à Étampes. Nous avions un corps d’armée en formation à Bourges, c’est-à-dire à peu de distance. Tours regorgeait de troupes. Une colonne d’infanterie de 1,500 hommes, que l’on dirigea de Tours sur Orléans, trouva la ville prise, et dut rebrousser chemin. La Loire n’était plus à nous ; le val allait se trouver envahi, le réseau de nos chemins de fer compromis et coupé ; enfin nous étions rejetés à 30 lieues de Paris. Le mouvement d’ensemble des Prussiens avait, sauf sur un point, parfaitement réussi. Entrés le 11 au soir à Orléans, ils avaient occupé presque à la même date Chartres, Dreux, Vernon, Pacy-sur-Eure, Gisors ; un peu plus tôt, ils étaient entrés à Beauvais, d’où ils rayonnaient sur Gournay et jusque dans le département de la Somme par Breteuil et Montdidier. Dans toutes ces localités, ils avaient rencontré de la résistance de la part de corps isolés de mobiles, de francs-tireurs, parfois même de gardes nationaux et de paysans ; ils en triomphaient en lançant des bombes sur les gares des chemins de fer et sur les faubourgs des villes ; ils s’en vengeaient en outre en brûlant des villages, notamment le bourg d’Ablis, où des francs-tireurs leur avaient pris plusieurs cavaliers. Sur un seul point, à Saint-Quentin, leur attaque échoua ; ils furent énergiquement repoussés par les gardes nationaux et des francs-tireurs abrités derrière des barricades. Ainsi vers le milieu d’octobre, après quelques engagemens dont deux seulement, ceux de Toury et d’Artenay, eurent de l’importance, l’invasion prussienne avait occupé la plus grande partie du Loiret, de l’Eure-et-Loir, de l’Oise et plusieurs districts de l’Eure. À la même date, Soissons tombait après un bombardement qu’aucune de nos petites places fortes ne s’est montrée capable de supporter.

Les opérations militaires dans l’est sont plus compliquées et plus obscures. Le général de Werder, qui, à la tête du 14e corps, faisait le siège de Strasbourg depuis le 10 août, avait fini par triompher, le 27 septembre, de l’énergie des défenseurs de cette place. La brèche était faite depuis plusieurs jours déjà, la résistance avait été poussée jusqu’à la dernière extrémité. D’après les dépêches allemandes, 14,000 prisonniers nouveaux se joignaient à ceux que nos précédens échecs avaient envoyés en Allemagne. Toul avait capitulé