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tions que lui donnait la défense nationale, outre ses perpétuels changemens de magistrats, n’alla-t-il pas faire des décrets pour réformer la composition des consistoires israélites ? n’alla-t-il pas s’accorder le malin plaisir de nommer trois évêques ? On voit avec quel sérieux le principal délégué du gouvernement de Paris embrassait l’immensité de sa mission. Le membre qui lui était adjoint, M. Glais-Bizoin, n’était pas de ceux qui pouvaient lui faire un utile contre-poids. Il aurait fallu beaucoup de bonne grâce pour reconnaître en lui un organisateur. Peut-on s’étonner que la province n’ait pu secourir ni Metz, ni Paris ? peut-on lui imputer ou lui reprocher des revers que l’on n’avait rien fait pour éviter ? Notre résistance souffrait d’un vice primordial dont les effets furent partout sensibles. Les préoccupations politiques avaient pris partout le pas sur les nécessités militaires. On avait jugé à propos de renouveler tout le personnel administratif et judiciaire. À peine entrés en fonctions, les nouveaux ministres de l’intérieur et de la justice avaient rempli le Journal officiel de destitutions et de nominations ; au bout de quelques semaines, tous les préfets, tous les sous-préfets, tous les procureurs et tous les substituts de France furent changés. Les nouveau-venus apportaient-ils donc dans la crise inouïe où se trouvait la France un tribut exceptionnel d’esprit pratique et de connaissances administratives ? Comment le croire ? C’était le barreau de Paris qui faisait invasion sur la province. De même qu’on avait des recrues pour soldats, des recrues pour ministres, on avait aussi des recrues pour fonctionnaires. L’on avait fait complètement table rase ; on avait chassé impitoyablement de toutes les positions l’expérience des affaires. Les municipalités aussi avaient été bouleversées. C’est dans une pareille crise, où l’esprit de suite, la méthode, l’activité réglée et productive, étaient si indispensables à notre salut, que l’on introduisait tous ces hommes nouveaux qui, eussent-ils le talent et l’aptitude au travail, allaient perdre un temps précieux à se mettre au courant de leur tâche. Comment encore s’étonner que nos armées aient été si longues à se former, si lentes à se mouvoir et composées d’élémens si insuffisans ? comment être surpris que les soldats aient été mal vêtus et mal nourris ?

Un pareil état de choses, il était facile de le prévoir, devait amener une universelle confusion et une inaction périlleuse. En réalité, trois semaines furent perdues pour la défense nationale. Au moment où s’opéra la révolution de septembre, le ministère avait présenté à la chambre pour la seconde fois un projet de loi relatif au rappel des anciens soldats, mariés ou non mariés, au-dessous de trente-cinq ans. Cette vigoureuse mesure avait alors été accueillie avec faveur, et se trouvait sur le point d’être votée. Le changement de