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Montecuculli fut opposé à Turenne, et les provinces rhénanes, tant allemandes que françaises, furent ravagées. Qui ne déplore ces maux de la guerre ? Mais est-ce pour venger les souffrances endurées alors par le Palatinat que l’invasion s’est déchaînée après deux cents années avec tant de violence sur notre territoire ? Ou bien la guerre de Hollande fournit-elle à nos ennemis d’autres griefs ? Ressentent-ils déjà pour ces Provinces-Unies du xviie siècle une tendresse que viendrait bientôt légitimer l’exécution de leurs desseins ? Si nous en croyons cependant la presse anglaise, M. de Bismarck aurait déclaré que la Hollande n’est point un état allemand. Cette parole du chancelier prussien ne serait, il est vrai, qu’à demi rassurante, car les Bataves et les Frisons, représentés par les Hollandais de nos jours, étaient plus Germains que beaucoup d’anciennes peuplades gauloises revendiquées aujourd’hui comme purement allemandes par les promoteurs de l’unité germanique.

La conquête faite par Louis XIV dans la guerre de Hollande se réduisit à quelques villes de Flandre, échangées contre celles dont la guerre précédente avait augmenté le royaume, et à la Franche-Comté, antérieurement conquise et rendue, mais alors définitivement réunie à notre territoire. La paix de Nimègue (1678) ne faisait que ratifier, confirmer et étendre celle d’Aix-la-Chapelle. Cette fois encore, l’Espagne supporta tous les frais de la guerre ; seulement la Franche-Comté avait été jadis unie par un certain lien à l’empire d’Allemagne, indépendamment des rapports dynastiques existant entre les familles régnantes. Est-ce de cette circonstance que l’Allemagne voudrait argumenter pour faire le procès à Louis XIV ? Sans doute la Franche-Comté avait été sous la suzeraineté de l’empire ; mais auparavant elle en avait été distincte, et le traité de Verdun (843), qui l’avait séparée de la France, ne l’avait pas unie à l’Allemagne. Avant ce traité, elle avait toujours été comprise historiquement et géographiquement dans la Gaule. Si donc les Allemands remontent au temps où cette province dépendait de l’empire, nous remontons à un temps plus éloigné où elle n’en dépendait pas, et nous trouvons qu’en réunissant la Franche-Comté Louis XIV n’a fait que se rapprocher des frontières naturelles de la France.

Louis XIV achetait ses succès au prix de la jalousie et de la haine universelles ; malheureusement ils ne faisaient qu’accroître ses prétentions et son orgueil. Fier d’avoir su se maintenir « seul contre tous, » comme le lui répétait Louvois, il se livrait au dedans et au dehors à des actes, à des entreprises qui préparèrent, puis firent éclore une nouvelle coalition. L’Allemagne put alors se croire menacée par les écarts d’une politique ambitieuse. Toutefois l’esprit dominateur de Louis XIV se résumait encore dans une préten-