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l’Allemagne joua le rôle d’auxiliaire des ennemis de Louis XIV, et ce n’était pas elle qui était directement attaquée. Si Louis XIV fut quelquefois agresseur envers l’Allemagne, ce fut à raison de la frontière rhénane, qui a toujours été, quoi que prétendent aujourd’hui nos adversaires, une question distincte de la question allemande. Le roi de France n’intervint dans la question purement allemande que par suite des complications d’une politique fort vaste, dont le point capital, l’objectif essentiel était l’Espagne et non l’Allemagne. C’est ce qu’il est aisé de reconnaître, si l’on jette un coup d’œil sur la carrière de Louis XIV. Sa première entreprise, on le sait, fut dirigée contre l’Espagne. Invoquant une coutume locale de droit civil, le droit de dévolution, usité dans le Brabant, qui accordait l’hérédité aux enfans du premier lit à l’exclusion de ceux du second, et s’appuyant sur une clause du traité des Pyrénées adroitement introduite par Mazarin, il s’empara d’une partie de la Flandre (1667), qu’il garda, et de la Franche-Comté, qu’il rendit à la paix (1668). Dans cette guerre courte et heureuse, l’Allemagne ne joua aucun rôle actif. Elle laissa faire, et son inaction était le résultat de la politique de Louis XIV, qui, par des négociations habiles, avait prévenu les tentatives d’intervention dont le chef et les membres du corps germanique auraient pu s’aviser à cause des liens de famille qui unissaient l’empereur d’Allemagne au roi d’Espagne. Dans de telles conditions, le roi de France, tout en paraissant attaquer, ne faisait que se défendre, et, si les Allemands de nos jours s’indignent du calme que l’Allemagne de 1668 garda pendant la guerre de dévolution, ce n’est pas une raison pour accuser Louis XIV d’avoir comploté l’abaissement de l’Allemagne du fond de son château de Versailles, qui du reste n’existait pas encore. Louis XIV n’avait travaillé qu’à l’affaiblissement de la monarchie d’Espagne et à l’achèvement du royaume de France.

Quatre ans plus tard, Louis XIV attaqua la Hollande. Cet état nouveau, petit par son territoire, grand par les circonstances de son origine, par son commerce, sa marine, ses colonies, s’était senti menacé dans la guerre précédente, et il avait contrarié les projets du roi de France en l’obligeant à faire la paix. Excité par Louvois, Louis XIV écouta une pensée de vengeance plutôt qu’une pensée de sage politique. Obéissant d’ailleurs à un système et à des théories dont il avait la prétention d’être la personnification vivante, il résolut d’asservir ce petit pays de Hollande, récemment affranchi de la tyrannie espagnole et devenu l’asile de la liberté. Une prétention si exorbitante, les dangers qu’elle recelait pour la paix et l’indépendance de l’Europe, enfin les malheurs et l’héroïsme du peuple hollandais, valurent à celui-ci des alliés. Une coalition se forma contre la France. L’empereur et le corps germanique entrèrent dans la ligue ;