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l’expulsion des Sarrasins, et qui échut par succession à la mère de saint Louis[1].

Pour ce qui regarde la personne du roi, il y a plus d’un danger à ce qu’un si grand souverain paie de sa personne dans les hasards de la guerre. Il sera donc remplacé par un de ses frères, par son second fils ou par un de ses parens. Pendant la guerre, il pourra se livrer en paix à la procréation, à l’éducation et à l’instruction de ses enfans, rendre la justice dans les grandes causes, etc. C’est ce que montrent avec évidence ces paroles du philosophe, dans la Politique : Homines intellectu vigentes naturaliter sunt aliorum rectores et domini. Ainsi se reposait saint David, livré à la contemplation, pendant que l’on combattait pour lui. Il est d’ailleurs contraire à la dignité du roi de tremper dans une foule d’actes équivoques que la guerre entraîne, et que ses ducs peuvent accomplir mieux que lui ; par exemple, commencer la guerre par surprise, s’avancer en dissimulant sa marche, se transporter çà et là, de nuit et de jour, pour accabler l’ennemi, vivre des dépouilles des vaincus. De même, si le roi n’a qu’un fils unique, il ne doit point le laisser partir. L’armée de France a été dans les croisades antérieures et sera sans doute pareillement à l’avenir la plus importante. Or cette armée ne pourrait rester en terre-sainte, si, comme saint Louis, le roi venait à mourir dans l’expédition, ou s’il revenait pour quelque autre cause. Les conquêtes et les réformes dont il s’agit exigent, pour être accomplies, que le roi et son fils vivent de longs jours dans leur royaume, que leurs enfans soient engendrés, naissent et soient élevés près de Paris, parce que ce lieu se trouve situé sous une meilleure constellation que tout autre. Il faut songer d’ailleurs que nous n’avons maintenant en terre-sainte ni camps ni autres lieux préparés pour éviter les intempéries de l’air et pour résister aux ardeurs du soleil, de Mars et des autres étoiles. On ne voit pas d’inconvénient à ce que le roi d’Angleterre et les autres rois partent, surtout ceux qui sont trop vieux pour avoir des enfans. « Charlemagne, qui n’eut point d’égal, est le seul prince, autant que je me le rappelle, qui pendant cent ans et plus se soit tenu en personne à la tête de ses armées dans les contrées lointaines et étrangères. »

Le service militaire a été institué sur les grands fiefs nobles pour la défense du royaume. Il est juste que tous ceux qui doivent le service militaire soient appelés ; mais ceux qui ne le doivent pas, le roi pèche mortellement, s’il les appelle. Le roi juge-t-il que le concours de tous ceux qui doivent le service militaire est insuffisant, il peut appeler d’abord l’arrière-ban, les tenanciers des grands fiefs, puis, si cet appel est encore insuffisant, les tenanciers des fiefs non

  1. On ne voit pas bien sur quel raisonnement Du Bois fonde cette assertion.