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vulgaire sur le travail intellectuel, et de compromettre ou d’altérer si bien la signification de l’art qu’elle se confond avec les vanités de l’artifice. Rien de plus opportun que les tentatives récemment faites pour remédier à un aussi grave abus ; reste à savoir pourtant si, dans ces nouvelles entreprises, les moyens employés répondent complètement aux intentions, et si le progrès qu’elles résument a toute l’autorité d’une réforme ou seulement le caractère d’un accommodement.

Parmi les publications où l’on pourrait le mieux reconnaître une volonté sérieuse d’abandonner les erremens du passé, le Cours de dessin lithographié par M. Bargue sous la direction de M. Gérome mérite d’être cité en première ligne. Ici en effet le perfectionnement est notable tant sous le rapport de l’exécution matérielle qu’en ce qui concerne le choix et la succession des modèles ; mais il ne s’ensuit pas que ce nouveau cours de dessin satisfasse encore pleinement à toutes les exigences. La partie du recueil composée de pièces en fac-similé d’après les maîtres anciens ou contemporains ne mérite guère, il est vrai, que des éloges. À peine pourrait-on çà et là regretter quelques choix malheureux, ceux qu’on a faits, par exemple, dans les ouvrages de Flandrin, de deux figures aussi peu propres à expliquer à des commençans les beautés naturelles qu’à leur donner une juste idée du talent de l’artiste. Partout ailleurs les emprunts ont été aussi judicieusement calculés qu’habilement mis en œuvre, et les reproductions des crayons d’Holbein en particulier sont des spécimens excellens de ce qu’il importe surtout de recommander aux élèves, — une parfaite simplicité dans le faire unie à l’ingénuité du sentiment. En revanche, l’aufre partie de la collection, celle qui comprend les types lithographiés d’après la bosse, nous semble de nature à mettre en péril cette sincérité nécessaire. À quoi bon ces ombres noires jusqu’à l’effacement de la forme, jusqu’au vide ? À quoi bon ce modelé anguleux, ces contours si secs qu’au lieu de laisser pressentir les parties fuyantes dus corps, ils semblent enserrer ceux-ci dans les limites d’une ligne coupante, affilée comme le tranchant d’une lame, et supprimant non-seulement l’apparence de la souplesse, mais l’idée même de l’épaisseur ? On peut du reste étendre au principe même ces critiques sur la manière dont il a été appliqué : à quoi bon en général ces dessins d’après la bosse faits pour être redessinés à leur tour ?

Il n’est pas prudent en pareil cas, je crois, de substituer des explications individuelles, des procédés intermédiaires, à l’étude franche et directe de la réalité. Que l’on reproduise par la gravure ou par la lithographie des dessins, des fragmens de tableaux même, pour les proposer en exemples aux commençans, rien de mieux.