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savans et fameux, le plus grand nombre des religieux le défendent et attaquent le roi avec violence. Ce que les partisans du roi disent et attestent contre la personne dudit pape pour l’excuse et la défense de Philippe, ces esprits chagrins le déclarent suspect et improbable ; ils appellent le fait d’Anagni un attentat horrible, ils prétendent que la conscience du roi « et la mienne, » ajoute l’auteur, ne peuvent être tranquilles[1]. On a bien fait quelque chose pour l’honneur du roi : grâce à la médiation de certaines personnes de probité, on a peut-être satisfait à Dieu en secret ; mais il reste des scrupules à la conscience du roi et de quelques autres : les gens honnêtes et graves murmurent » et cela ne cessera que quand on aura fait une réparation publique. Si l’on pouvait trouver un bon conseil à donner et de bons textes bien clairs de l’Écriture, qui permissent au roi, en soutenant sainte mère église, de sauver son honneur, la réputation de ses ancêtres, et de confondre le parti contraire, cela serait d’un grand prix pour le roi et ses amis. « Qu’on cherche donc, ajoute l’auteur, avec sagesse et bonne foi, et peut-être trouvera-t-on en même temps une chose plus importante et plus frappante encore pour l’intérêt de l’état, même en dehors de l’affaire dont il s’agit. Enfin il faut remarquer… Je n’en dis pas plus pour le moment. Écrit et souscrit de ma main[2]. »

Rien dans tout cela ne convient à Nogaret. L’auteur de la note remise au roi appartient à un parti intermédiaire entre celui des ennemis de Boniface et celui des ultramontains ; il pense qu’un crime a été commis à Anagni ; or Nogaret le prend de bien plus haut : il soutint toute sa vie qu’il avait mérité récompense, que l’église universelle avait envahi le palais de Boniface avec lui. Il affectait d’avoir la conscience parfaitement tranquille. Des concessions comme celles qui remplissent l’écrit publié par M. Boutaric eussent été pour lui des aveux funestes et l’eussent infailliblement perdu. Ce n’est pas lui, par exemple, qui eût dit qu’on n’avait pas encore assez satisfait à Dieu et à l’église. Enfin le mystère dont l’auteur s’entoure, cette façon d’éveiller l’attente et la curiosité du roi, de faire valoir d’une manière charlatanesque un mémoire qu’il se réserve de présenter et dont il ne veut pas dire le mot, cet âpre désir de tirer parti de ses idées et de ses notes, tant d’autres signes qui révèlent un homme de rang

  1. Turbatam et obfuscatam habentes opinionem et conscientiam erga regem, æstimant etiam ipsum meque non omnino quietam et pacatam habere conscientiam erga Deum, eo quod sanctæ matri ecclesiæ satisfactum non apparet adhuc, secundum quod utique conveniens esse deberet.
  2. Prudenter ergo bonaque fide quærantur ista, quia forte non solum hœc invenientur, sed et res multo major et mirabilior circa statum regni et aliorum, etiam si occasio rei propositœ non subesset. Denique notandum… Non plus ad prœsens. Manu propria scriptum et subscriptum.