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la Politique d’Aristote des principes déjà tout républicains. Il s’en faut cependant que le Traité de l’abrègement des guerres et des procès égale en hardiesse les écrits qui suivirent. Du Bois s’y montre plein de respect pour le principe de la hiérarchie ecclésiastique ; il ne blâme que les abus de détail. Il semble surtout craindre beaucoup l’excommunication, dont la pensée le poursuit comme un cauchemar. C’est certainement avec intention que l’auteur laissa son traité anonyme. Il demande au roi et à ses ministres d’examiner ses propositions dans le plus profond secret, de ne pas faire connaître son nom à ses puissans adversaires ; mais en même temps il réclame le droit de défendre son œuvre, si on l’attaque, et il offre ses services pour exécuter les mesures qu’il propose avec les changemens que conseilleraient des personnes plus éclairées. Il est bien remarquable que l’auteur conseille au roi de chercher à obtenir pour son frère Charles de Valois ou pour quelque autre membre de la famille royale la main de Catherine de Courtenai, qui se prétendait héritière de l’empire de Constantinople. Ce mariage eut lieu très peu de temps après la rédaction du traité dont nous parlons, ce qui prouve : ou que Pierre Du Bois était bien instruit des intentions de la cour, ou que ses prévisions étaient d’une grande justesse. On dirait également que plusieurs mesures des premières années du xive siècle ont été inspirées par ses conseils. L’ordonnance du mois de mars 1303 semble répondre aux idées sur lesquelles il revient le plus souvent : nécessité d’une enquête destinée à montrer les empiétemens des tribunaux ecclésiastiques, création de tabellions royaux, saisie comminatoire des immeubles possédés par des ecclésiastiques.

On a pu croire que le Traité de l’abrègement des guerres ne fut pas présenté à Philippe le Bel aussitôt après qu’il fut composé. Du Bois, il est vrai, nous apprend dans un autre de ses ouvrages que le traité en question fut envoyé par lui à Toulouse, à son habile et fidèle ami. Me Jean des Forêts, à l’époque où Philippe le Bel et son frère Charles de Valois se trouvaient dans cette ville. Or Philippe le Bel n’a fait qu’un seul séjour à Toulouse, et ce séjour se place au mois de janvier 1304 ; mais cela n’est pas décisif. Ce pouvait être là soit une communicative destinée à son ami soit un rappel à l’attention du roi. Le mémoire de 1300 est rédigé de façon à faire croire qu’il a dû parvenir sur-le-champ à son adresse. En 1302 d’ailleurs Du Bois remettait d’autres mémoires à Philippe le Bel. Pourquoi aurait-il gardé trois ans entre ses mains un écrit antérieur destiné au roi seul ?

La pensée dominante de Pierre Du Bois était la résistance aux empiétemens de l’église et l’extension des pouvoirs de la société civile. La lutte de Philippe le Bel et de Boniface VIII vint lui offrir