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valu dans la commission de 1834, ont-elles demandé que, si l’achèvement de ce nouveau code doit subir encore des lenteurs, il soit du moins pourvu par des lois spéciales aux nécessités les plus urgentes. Le rapporteur de la Société des agriculteurs, M. Léonce de Lavergne, exprimait aussi les deux vœux suivans, qui furent également adoptés : que dans la rédaction de ces lois rurales on maintînt les principes généraux du code civil, mais sans trop s’assujettir dans les détails aux prescriptions de ce code, et que surtout les commissions chargées d’élaborer de pareilles lois consultassent préalablement les sociétés et les comices. Ce dernier point est en effet celui qui tient le plus à cœur à l’agriculture ; elle estime que ses intérêts sont méconnus, et qu’on en tient un compte trop médiocre tant dans les assemblées que dans le gouvernement. C’est pour cela qu’elle demande un ministre spécial, assisté d’un conseil supérieur, qui ne subordonnerait pas les questions agricoles aux questions d’industrie, de commerce ou de travaux publics ; c’est aussi pour cela qu’elle réclame une représentation élective qui lui soit propre.

Personne n’ignore quel puissant appui est prêté par les chambres de commerce aux intérêts des industriels et des commerçans. L’agriculture n’a pas cette ressource. L’empire a bien institué des simulacres de chambres consultatives d’arrondissement ; mais les personnes qui en faisaient partie étaient à la nomination des préfets, et ceux-ci convoquaient les chambres ou plutôt avaient le droit de les convoquer. Ils n’en abusaient pas. Toutefois pendant quelques mois on avait connu un autre régime. La loi du 20 mars 1851, brusquement abrogée en 1852, avait organisé les comices et créé dans tous les départemens une chambre d’agriculture à laquelle chaque comice envoyait un membre par canton. Ces chambres départementales devaient tenir une session annuelle d’un mois, et déléguaient elles-mêmes un de leurs membres au conseil supérieur de l’agriculture, qui se trouvait ainsi composé de quatre-vingt-six membres issus de l’élection à deux degrés. Cette institution n’était point parfaite ; elle se ressentait de l’esprit qui gâtait souvent les meilleures inspirations de l’assemblée législative. L’élection dominait en principe ; mais quels étaient les électeurs ? Si vous parcourez au hasard la liste des souscripteurs d’un comice quelconque, vous y trouverez, à côté d’un certain nombre de cultivateurs, tous les châtelains de l’arrondissement, puis les bourgeois de la sous-préfecture, avoués, médecins, marchands, notaires, heureux de rencontrer parfois l’occasion de rompre pour une journée le désœuvrement de la vie de petite ville. La grande erreur consistait donc à faire des comices où les cultivateurs n’étaient pas toujours en majorité les assemblées primaires de l’agriculture française. Néanmoins, dans l’état où l’on a vécu sous l’empire, cette loi de