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et la seule question capitale est celle de savoir quels seront les électeurs chargés de nommer les maires et les conseils municipaux.

Dans la commission nommée par le ministère du 2 janvier 1870 pour étudier la réorganisation municipale de Paris, un très grand nombre de systèmes avaient été proposés. On avait demandé que Paris fût considéré comme un collège unique votant pour une seule liste, ou bien que les conseillers fussent nommés en partie par les électeurs, en partie par le corps législatif. D’autres membres de la commission proposaient la délégation de membres désignés par la chambre de commerce, les tribunaux, l’Institut et divers autres corps constitués ; mais toutes ces combinaisons trop compliquées ne peuvent point ne pas revenir, dans un gouvernement démocratique, à l’élection directe par les habitans, avec trois conditions tout à fait indispensables indiquées par l’usage de tous les peuples civilisés de l’Europe.

La première consiste à distinguer les habitans des passans et à exiger, pour l’inscription sur la liste des électeurs municipaux, des titres vraiment sérieux de domicile. La constitution de la république de Genève distingue expressément l’électorat municipal de l’électorat politique. Il suffit d’être né dans le pays pour y exercer des droits politiques en tous lieux ; pour s’occuper des affaires d’une communauté de citoyens, il faut y être attaché par des liens anciens et par des intérêts permanens. La seconde condition est le fractionnement des électeurs par quartiers et l’obligation imposée aux élus d’habiter l’arrondissement qui les nomme, afin d’assurer la sincérité des élections faites entre électeurs qui se connaissent bien, et la facilité de leurs relations avec leur mandataire. La troisième condition est la gratuité des fonctions électorales. Nous avons la manie en France de transformer toutes les questions de liberté en questions d’égalité, et de confondre toujours l’égalité des droits avec l’inégalité des situations. L’égalité exige que toutes les fonctions soient accessibles à tous ; mais tous ne sont pas capables de les remplir, et le suffrage ne confère pas les vertus ou les aptitudes qu’on n’a pas. Tout Français peut devenir notaire ou général ; l’élection ne nous rend pas capable de rédiger des actes ou de commander des armées. Or les fonctions de maire exigent des hommes bien instruits du droit, entièrement libres de leur temps et tout à fait indépendans vis-à-vis de leurs administrés comme du pouvoir, ne devant rien à personne et donnant à tous l’exemple du dévoûment civique. Un traitement change et vicie toutes ces conditions. Le droit des citoyens n’est pas d’administrer, c’est d’être bien administrés, et une ville ne sera bien administrée que si le maire fait par dévoûment ce qu’il ne ferait pas pour de l’argent. La république doit tenir à honneur d’engendrer des dévoûmens gratuits et de ne pas