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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

permettra de reconnaître ce qu’elle a fait de bien et de mal, ce qu’il faut proscrire et ce qu’on doit conserver. On verra surtout ce qu’a coûté le régime déchu ; on se convaincra une fois de plus des périls qui attendent une nation lorsqu’elle se désintéresse des affaires publiques, et qu’elle abandonne à un maître le soin de les conduire.


I.

On doit distinguer dans l’administration des finances deux parties parfaitement distinctes, et qu’on est cependant disposé à confondre : la direction et l’organisation elle-même. La direction est le fait de l’homme, du ministre, des pouvoirs politiques ; elle se relie étroitement à la marche du gouvernement, elle fournit, pour ainsi dire, les matériaux que la machine financière doit employer. L’organisation est le mécanisme qui exécute, qui transforme suivant l’impulsion qui lui est donnée. La direction est responsable de la forme ou de l’exagération des impôts, du chiffre et de l’utilité des dépenses ; l’organisation a pour objet la régularité des opérations et l’exactitude du contrôle. La première doit s’étudier à sagement administrer la fortune du pays, la seconde doit assurer l’exécution des décisions des pouvoirs publics, garantir l’application des deniers des contribuables à l’emploi pour lequel ils ont été levés. Ces deux parties ne sont donc pas solidaires ; le vice de l’une n’entraîne pas nécessairement l’imperfection de l’autre, et l’on peut désapprouver la marche des finances sans condamner en même temps la constitution de notre système financier. Aussi, dans cette étude, observera-t-on avec soin cette distinction. Pour permettre d’établir ce qui revient au gouvernement et aux institutions dans les résultats obtenus, on examinera séparément les rôles de la direction financière et de l’organisation qu’elle a mise en mouvement. Quant à la direction financière, dont nous aurons d’abord à nous occuper, il est essentiel, pour la faire mieux apprécier, de jeter un coup d’œil préalable sur la politique du souverain qui vient de tomber.

La création de l’empire romain avait frappé vivement l’esprit de Napoléon III et sa pensée établissait une analogie peut-être involontaire entre sa propre situation et celle du fondateur d’un gouvernement qui avait duré quinze siècles. Il lui semblait se reconnaître dans Auguste. Neveu comme lui d’un César qui avait étonné le monde par son génie et ses victoires, il avait assis son trône sur les ruines de la république. Il avait comme lui un nouvel ordre de choses à constituer, un pouvoir à affermir. Jeté au milieu de partis ardens, d’ambitions avides, de dévoûmens intéressés, il devait vaincre ou gagner les uns, satisfaire et récompenser les autres.