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L’ARTILLERIE DEPUIS LA GUERRE.

15 centimètres destinés à la défense rapprochée des remparts, 110 canons de 7 et 200 caissons avec 25,000 obus. Les cartouches sont faites par l’artillerie. Les nombres portés ici représentent seulement les objets reçus et disponibles pour le service.


IV.

On n’attend pas ici une appréciation raisonnée des avantages et des défauts des deux types de bouches à feu qui occupent si fort aujourd’hui les imaginations. Ce n’est ni le moment ni le lieu. Il y faudrait d’ailleurs tout un livre.

On se souvient de ce qui s’est dit après Sadowa. Les Autrichiens, battus comme nous le sommes et froissés dans leur orgueil militaire, ont attribué leur défaite au fusil à tir rapide des Prussiens. Le fusil à aiguille, avec la dose de mystère que ce nom emportait alors avec lui, suffit à tout couvrir. Le canon prussien ne remua nullement les imaginations ; on s’accordait même à affirmer que l’artillerie prussienne n’avait pas fait merveille en face de l’artillerie autrichienne. Or à Sadowa les Prussiens avaient déjà le canon qu’ils emploient en ce moment contre nous, et les Autrichiens après Solferino avaient adopté un canon rayé imité du canon français. Ce sont là des faits à noter, non pas comme argumens pour ou contre le mérite du canon se chargeant par la culasse, mais comme exemples de l’inconvénient qu’il peut y avoir à porter un jugement précipité en pareilles matières.

Loin de nous la pensée de blâmer les mouvemens de l’opinion ; mais, quand surgit une question nouvelle, il est rare que l’opinion l’envisage dans son ensemble. C’est un aspect particulier qui la frappe et l’impressionne. Il y a jugement sans examen suffisant, il y a même quelquefois préjugé. Si, après trois mois de blocus courageusement supporté, mais subi dans toutes ses conséquences, on attache à la possession de quelques nouveaux canons l’idée d’un palladium capable de rendre Paris imprenable, c’est un préjugé. Dussé-je scandaliser quelques personnes croyantes, j’oserai dire que, si Paris venait à être pris, sa chute aurait été causée en partie parce qu’il aura possédé dès les premiers jours quelques centaines de canons à longue portée et par l’abus qu’on a fait du tir à grande distance. Ils ont dévoré et dévorent incessamment des masses de poudre et de fer dont nous pourrons avoir à regretter la perte. C’est peut-être là ce que les Prussiens attendent, comme ils attendent l’épuisement de nos vivres. Si l’on veut voir dans le canon de 7 une espèce de cheveu de Samson qui, en lui donnant le temps de