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LA POLITIQUE D’ENVAHISSEMENT.

bla l’effectif de celles qu’il conservait. Après quatre années de préparatifs, il recommença la guerre, s’attaquant cette fois non plus à l’Espagne, mais à la Hollande. Il s’était aperçu dans la guerre précédente que la Hollande l’avait empêché de conquérir la Belgique, et il en avait conclu fort justement qu’il devait affaiblir et ruiner la Hollande. Il raisonnait comme ferait un ministre prussien qui, ayant remarqué que l’Autriche avait été arrachée de ses mains par l’intervention française, conclurait de là qu’il doit ruiner la France pour accomplir ensuite en toute sûreté ses desseins sur l’Autriche et sur l’Allemagne.

De quel droit cependant attaquer la Hollande, qui était depuis un siècle l’alliée de la France ? car Louvois ne pouvait pas se passer du droit. Il fit déclarer qu’il attaquait la Hollande « à cause de l’ingratitude et de la vanité insupportable des Hollandais. » Il s’était préparé longuement à la guerre ; sa diplomatie et son administration militaire avaient admirablement fait leur œuvre. On s’était attaché le roi d’Angleterre d’une part, les princes allemands de l’autre, on avait une armée de 120,000 hommes, chiffre qui nous parait faible aujourd’hui et qui était énorme en ce temps-là ; on avait un matériel complet ; Louvois avait poussé l’habileté jusqu’à acheter la poudre et le plomb aux Hollandais eux-mêmes. Il était parfaitement servi par d’habiles espions qu’il entretenait partout, dans les villes de la Hollande, dans les pays étrangers, dans l’entourage même des souverains et jusque dans le parlement anglais. Enfin l’habile ministre avait mis de son côté tous les moyens de succès de manière à frapper rapidement et à coup sur un ennemi qui ne s’attendait nullement à la guerre. La Hollande apprit à peu de jours d’intervalle que la guerre était déclarée, que Louis XI avait passé le Rhin à Tolhuys, qu’il approchait d’Amsterdam.

Il ne semblait pas que cette nation, toute pacifique et laborieuse, pût tenir tête à l’énorme puissance qui s’était si bien préparée à la combattre, et qui jetait tout à coup toutes ses forces contre elle. Elle implora la paix. Les conditions qu’elle offrait au vainqueur étaient assurément fort avantageuses, mais le roi et le ministre ne s’en contentèrent pas. Quand on est si facilement victorieux, on s’enivre de sa victoire, on en est aveuglé, et l’on ne voit plus d’obstacles devant soi ; on se croit maître de tout, et parce qu’on a franchi aisément les frontières d’un pays, on prétend « aller partout, partout. » Louis XI et Louvois posèrent aux Hollandais des conditions inacceptables. Ils voulurent que la Hollande s’anéantît ; ce fut précisément ce qui la sauva. Amsterdam, la ville la plus riche et en même temps la plus patriote, l’âme du pays, se résolut à la résistance. Elle ouvrit les écluses qui retenaient la mer et s’entoura d’une enceinte d’inondation. En même temps la Hollande changea