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L’administration de la marine avait fait construire à Saint-Denis, dans les ateliers de M. Claparède, un certain nombre de batteries flottantes à un très petit tirant d’eau et deux canonnières légères qu’on avait expédiées à Toulon pour un service qui ne semble pas avoir été bien déterminé. Le besoin de défendre Paris dans ses lignes fluviales leur faillit rebrousser chemin. Démontées et mises sur des plates-formes, on les avait remontées vers l’île des Cygnes, où longtemps on a pu les voir. Les batteries flottantes sont des formes presque carrées à deux hélices indépendantes, mues chacune par une petite hélice de 20 chevaux qu’on peut conjuguer avec l’autre. Elles ont deux gouvernails, deux canons de 14 d’une portée de 5,500 mètres, placés dans le réduit qui est à l’avant, un canon de campagne de 4 et deux espingoles. L’équipage est de 40 hommes, que commande un lieutenant de vaisseau. La vitesse de ces batteries flottantes à cause des formes ne dépasse pas 3 ou 4 nœuds ; mais, à l’exception de certains points où existent des barrages, cette vitesse suffit pour refouler le courant. Une solide carapace préserve ces batteries des effets des projectiles. Il n’en est pas de même des canonnières, qui sont simplement en tôle, et ne résisteraient ni à un boulet, qui percerait inévitablement la coque, ni même à une de ces fortes balles en acier fondu dont les Prussiens chargent depuis quelque temps leurs fusils de rempart. Ces navires ont en revanche un excellent armement, un canon de 16 se chargeant par la culasse, d’une grande justesse et d’une portée de plus de 6,000 mètres ; ils sont commandés par un lieutenant de vaisseau, et ont 20 hommes d’équipage. Des mouches en tôle, sortes d’embarcations à vapeur armées d’un petit canon, agiles et pouvant se porter partout, complètent cette flottille, placée sous le commandement supérieur du capitaine de vaisseau Thomasset. Contrariée tantôt par les eaux basses, tantôt par les ouvrages offensifs semés sur ses lignes de passage, elle a pu néanmoins, au bas de Sèvres et de Meudon, à Saint-Denis, à Saint-Ouen et à Choisy-le-Roi, donner à ses canonniers plus d’une occasion de faire leurs preuves.

C’est au même besoin de la défense du fleuve que répond la canonnière du lieutenant de vaisseau Farcy, agissant, à ce qu’il semble, isolément. Cette canonnière repose sur un principe simple : le moindre poids possible dans la construction de la nef, la plus grande force possible dans le canon qu’elle doit porter. Avec la foi qui anime les inventeurs, M. Farcy n’a été découragé ni par un sinistre qui l’a frappé devant Honfleur, ni par les doutes que provoquait autour de lui la solidité de sa découverte. Les hommes du métier étaient loin de le soutenir. Il n’en est pas moins venu à Paris offrir ses services et tenter une nouvelle épreuve. Tout le monde a pu y voir sa canonnière, qui ne manque pas d’élégance. Aux pre-