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de la Bièvre ; plus loin, ceux des Hautes-Bruyères, qui nous ont si bien servi dans le siège. On devine plus qu’on ne voit ceux du Moulin-Saquet et de Vitry, qui penchent vers la gauche, et les retranchemens ennemis à L’Hay, Chevilly, Thiais et Choisy-le-Roi, masqués par les mouvemens du terrain ; mais ce que l’on aperçoit en plein, c’est Châtillon, dont le clocher surmonte le front des attaques, et qui porte, dit-on, dans ses flancs des batteries souterraines dans le genre de celles qui viennent de se démasquer à Gagny et au Raincy ; c’est surtout la Tour-à-l’Anglais, en arrière de Châtillon, qui marque le point de faîte de ces coteaux, et au-dessous de laquelle passe le chemin de communication de Versailles à Choisy-le-Roi. Plus au loin, à diverses distances, apparaissent les coteaux du Val-Fleury, de Meudon, de Sèvres et de Saint-Cloud. Avec de bonnes lunettes marines, on peut voir çà et là sur les crêtes ou sur les terrasses que forme le sol des commencemens de travaux, des épaulement, parfois même des embrasures. Le plus singulier, c’est que ce vaste espace paraît désert ; on aurait de la peine à y découvrir quelques hommes. La tactique militaire des Prussiens nous a réservé, dans le cours de cette guerre, bien des surprises ; mais il y a un secret qu’elle nous aura livré, et que nous devrons tôt ou tard mettre à profit, si nous voulons les vaincre, c’est de se tenir bien à couvert, tant que le moment n’est pas venu de se montrer.

La seconde partie de l’observatoire sert à classer et à mettre en état les travaux que l’examen extérieur a successivement fournis. Ces travaux sont reproduits sur une échelle déterminée, et figurent à la fois comme ornement et comme document à consulter sur les murs du cabinet d’étude. On retrouve ainsi en réduction le plan général et les détails des lieux sur lesquels des opérations peuvent être conduites. Y a-t-il une attaque en projet, on réunit ces plans sous les yeux des chefs qui doivent la diriger, de manière qu’ils puissent y approprier leurs combinaisons. Ce service est des plus actifs, et des hommes spéciaux y président. Cette observation constante a un autre objet, c’est de nous tenir incessamment en garde contre les surprises ; il n’est point d’heure, on peut dire point de minute où les lunettes ne soient en jeu. Ce qui, pour un curieux, est insignifiant devient pour un homme du métier un indice important, quelquefois une véritable découverte. Les marins surtout ont l’art de bien voir et de tirer parti des moindres circonstances. Quand ces petits accidens n’intéressent que le fort même ou la ligne des forts placés dans des conditions communes, on ne les ébruite pas ; mais, quand ils touchent à la défense générale, à l’instant même le télégraphe en est saisi et porté les faits à la connaissance de tous les commandans qui doivent en être immédiatement informés.