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plus de saindoux, plus de conserves ; mais soyez tranquilles, on en fait. Seulement il ne faut pas être trop curieux.

Nous n’avons que des renseignemens incomplets sur la masse des ressources en blé, en farine et en viande au début du siège. Le Bulletin administratif de la municipalité a donné toutefois huit jours après l’investissement (le 27 septembre) quelques indications sommaires à cet égard. D’après le Bulletin, le gouvernement possédait dans ses magasins à cette date 292,000 quintaux métriques de céréales et farines, et le commerce en avait de son côté un approvisionnement évalué à 155,000 quintaux : soit en totalité 447,000 quintaux, formant, à raison de 6 à 7,000 quintaux par jour, le contingent nécessaire pour subvenir à la consommation de pain jusqu’au 15 décembre, ce qui paraissait alors bien suffisant ; mais l’événement a prouvé que la municipalité ne connaissait pas toutes nos ressources alimentaires. Les magasins du commerce étaient plus nombreux et mieux garnis qu’on ne le croyait, et les approvisionnemens de grains de la banlieue y ajoutaient d’ailleurs un appoint respectable ; enfin les magasins de l’intendance regorgeaient de farine, de riz et d’autres provisions pour le service de l’armée. Lorsque les farines destinées à la population civile ont été épuisées vers le 15 décembre, comme l’avait fait pressentir en effet le Bulletin, l’intendance a prêté une partie des siennes en attendant que le service de la mouture pût être organisé de manière à subvenir entièrement aux besoins de la consommation. Aujourd’hui ce service paraît être à jour, et les emprunts ont cessé. D’après le Bulletin de la municipalité, les existences en bétail à la même date du 27 septembre étaient de 24,600 bœufs, 150,000 moutons et 6,000 porcs, constituant un approvisionnement de viande de boucherie pour environ deux mois ; les réquisitions y ont ajouté depuis 4,700 vaches laitières, dont on n’a conservé que le nombre rigoureusement nécessaire pour le service des ambulances, pour l’alimentation des enfans et des malades. Cet appoint de vaches laitières n’aurait augmenté toutefois que bien faiblement notre living stock, et nous aurions été, selon toute apparence, privés de viandes fraîches dès le commencement de décembre, si la nécessité n’avait surmonté les préjugés qui faisaient naguère le désespoir des hippophages. On s’est mis bravement à manger du cheval ; les classes aisées ont donné l’exemple, et peu à peu les répugnances populaires pour cet aliment inusité ont été surmontées. Quelques domestiques de bonne maison se refusent encore à toucher aux restes du filet ou de l’entrecôte qui a été la pièce de résistance du dîner des maîtres ; mais le nombre de ces récalcitrans diminue de jour en jour, et les hippophages convaincus ne sont pas éloignés de croire que l’introduction de la viande de cheval dans l’alimentation publique pour-