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Cette patrie d’un jour, comment la traitent-ils aujourd’hui ? comment répondent-ils à cette hospitalité si empressée et si généreuse qui ne leur a rien refusé de ce qu’elle pouvait leur offrir ? Nous ne leur reprochons pas d’avoir porté la guerre sur notre territoire, c’était leur droit ; nous ne leur reprocherions même pas de ne pouvoir nous épargner quelques actes isolés de dévastation et de cruauté que commettent toujours les armées en campagne, qui échappent évidemment à toute répression, et qu’il devient d’autant plus difficile d’empêcher que les troupes sont plus nombreuses. Quand plusieurs centaines de mille hommes s’abattent sur un pays, comment n’y causeraient-ils pas des maux inévitables qu’il ne dépend d’aucun général ni d’aucune discipline de prévenir ? Un des héros de la guerre de trente ans disait avec raison à ceux qui lui reprochaient quelques excès individuels commis par ses soldats : « Je ne puis cependant pas faire voyager mon armée dans un sac. » Non, il n’était pas au pouvoir de l’armée allemande de faire disparaître tous les inconvéniens qu’entraînent les grandes agglomérations d’hommes sur un même point ; mais c’est gratuitement, de propos délibéré, sans que rien l’y oblige, qu’elle inaugure à nos dépens un droit nouveau de la guerre, qu’elle compose contre nous une théorie spéciale de l’invasion, qu’elle profite de sa méthode savante et de ses goûts synthétiques pour généraliser les abus de la force, pour abriter sous la protection d’un système philosophique un certain nombre d’actes violens qui, dépouillés du prestige des idées générales, seraient considérés partout comme des attentats à l’humanité.

Qu’est-ce, par exemple, que cette prétention de ne pas reconnaître la qualité de belligérant aux paysans armés pour la défense du sol national, lorsque la Prusse en 1813 accordait ce droit à tous les citoyens, et que notre corps législatif a décidé qu’il suffisait pour être respecté comme soldat de porter un des insignes de la garde nationale ? Nos adversaires nous imposeraient-ils l’obligation d’adopter un uniforme, et s’il nous plaît de choisir la blouse pour habiller une partie de nos défenseurs, en vertu de quelle loi s’y opposeraient-ils ? Quelle étrange objection ne font-ils pas également à nos francs-tireurs, en exigeant d’eux que leurs officiers soient nommés par le gouvernement ! Dans un pays où règne le principe électif, où par le malheur de la guerre plusieurs départemens ne peuvent communiquer ni avec Paris, ni avec la délégation de Tours, ceux qui s’arment pour la légitime défense du pays n’ont-ils pas le droit absolu d’élire leurs officiers et de les faire respecter par l’ennemi au même titre que les soldats de l’armée régulière ? Ce serait une criante iniquité que de refuser aux volontaires de l’Alsace et