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impériales situées en Alsace, savoir Haguenau, etc., et tous les villages, ou autres droits dépendant de ladite préfecture, les transportant tous, en général et en particulier, au roi très chrétien et au royaume de France. Ledit landgraviat de l’une et de l’autre Alsace et sundgau, comme aussi la préfecture des dix villes, tous les vassaux, sujets, hommes, villes, bourgs, châteaux, maisons, forteresses, forêts, rivières, ruisseaux, pâturages, en un mot tous les droits et appartenances, sans réserve aucune, seront incorporés à perpétuité à la couronne de France, de manière qu’aucun empereur d’Allemagne ni aucun prince de la maison d’Autriche y puissent contredire. L’empereur, l’empire et l’archiduc d’Insprück délient les ordres des magistrats, officiers et sujets desdites seigneuries et lieux des sermens qu’ils avaient prêtés à la maison d’Autriche, et les remettent à la sujétion et obéissance du roi et du royaume de France en une juste et pleine souveraineté. »

Tel est notre titre à la possession de l’Alsace. Nous l’avons payée de notre sang, versé pendant dix ans pour le service de l’Allemagne, et de notre argent, et voilà ce qu’il faut penser des violences de Louis XIV, alléguées récemment à la face de l’Europe comme la seule origine de l’acquisition française de l’Alsace ! En fait de bien mal acquis, la Prusse devrait garder un silence prudent. On sait par quel abus de confiance Albert, le grand-maître teutonique, acquit la vieille Prusse. Ses héritiers ont-ils mis plus de façons dans leurs agrandissemens ? Frédéric II a écrit un Anti-Machiavel, mais il faisait sournoisement, quand il en avait besoin, crocheter les archives de Marie-Thérèse pour avoir des copies de ses dépêches. Il restitua le champ du meunier de Sans-souci, mais il prit la Silésie à la fille de Charles VI, qui l’avait garanti de la sauvage colère de son père Frédéric-Guillaume de redoutable mémoire ; il jouait mélancoliquement de la flûte, et il prit sa bonne part de la spoliation de la Pologne. Et les duchés, et Francfort, et le Hanovre ! Tous ces accroissemens de territoire sont d’hier ; c’est à eux et non pas aux nôtres que s’applique le droit de la violence ; ils n’ont point de paix sacrée de Munster pour les légitimer. Un seul propriétaire pouvait gémir de notre acquisition de l’Alsace, c’était l’archiduc d’Insprück ; mais le chef de sa maison avait agi pour lui, et l’indemnité qu’il reçut lui ferma la bouche. Le traité de Munster a été plus tard complété, expliqué, confirmé, par le traité de Nimègue et par le traité de Riswick. La ville impériale et libre de Strasbourg a eu son acte de capitulation particulière en 1685, et il a été respecté. Les Prussiens prétendent imposer aujourd’hui à la France un nouveau traité de Brétigny. Eh bien ! qu’ils se souviennent qu’à ce traité honteux, arraché par la violence, la France a répondu par la guerre de cent