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LA RÉUNION DE L’ALSACE.

états de l’empire leur paraissait être un acheminement vers la couronne impériale elle-même.

Cependant après réflexion, la cour de France préféra le parti de l’incorporation. L’idée de l’unité territoriale devait en effet prévaloir, et bien qu’en réalité nos rois eussent rêvé quelquefois d’obtenir la couronne impériale, quoique Mazarin même y songeât pour Louis XIV, la décision du conseil fut contraire à l’opinion du comte d’Avaux et d’Abel Servien. Sur ce point, l’avis de la cour de France fut en parfaite harmonie avec les désirs de l’empereur lui-même, qui résistait à la substitution proposée. Il se souciait médiocrement de rencontrer le roi de France dans une diète germanique ; mais toute difficulté n’était pas résolue par la préférence donnée à la voie d’incorporation. L’Alsace se composait de trois sortes de domaines, celui du landgrave, celui des seigneurs immédiats, celui des villes impériales. L’empereur ne pouvait personnellement transmettre, selon la rigueur du droit, que la suzeraineté impériale, et encore lui fallait-il, disait-on, le concours des états de l’empire. Le propriétaire du landgraviat était un enfant mineur, et ne pouvait aliéner. Les villes impériales devaient-elles être consultées, et l’intervention des seigneurs immédiats était-elle nécessaire ? La complication salutaire des rouages de l’empire donnait de l’importance à ces questions de forme à un moment où l’on rétablissait sur ses pieds la vieille liberté germanique. On considéra que l’empereur, en sa qualité de chef de la maison d’Autriche, pouvait agir et aliéner. C’était pour lui une simple question de responsabilité de famille, et sa garantie de souverain suffisait à la France. On reconnut que la voie d’incorporation ne devait pas avoir pour résultat d’absorber et d’exproprier les villes impériales, ni de dépouiller les seigneurs immédiats de leurs biens patrimoniaux. À l’égard des villes et des seigneurs, le roi de France serait en réalité substitué à l’empereur, et les droits acquis seraient respectés. Sans recourir donc au consentement des seigneurs et des villes, qu’on regarda comme suffisamment constaté par les adhésions données à Osnabrück, l’empereur, agissant au nom de l’empire, parut avoir qualité suffisante pour consommer l’aliénation. Il y avait des exemples de ce genre, et l’on a plus tard procédé de la même manière en des circonstances semblables, notamment à Lunéville. En conséquence, voici l’acte même qui fut signé à Munster. « L’empereur, tant en son nom qu’en celui de la sérénissime maison d’Autriche, comme aussi l’empire, cèdent tous les droits, propriétés, domaines, possessions et juridictions qui jusqu’ici avaient appartenu tant à lui qu’à l’empire et à la maison d’Autriche sur la ville de Brisach, le landgraviat de la haute et basse Alsace, le sundgau, et la préfecture provinciale des dix villes