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LA RÉUNION DE L’ALSACE.

en 1618, c’est-à-dire avant les mouvemens qui avaient éclaté en Bohême. Elles obtinrent ensuite que l’ancienne constitution politique de l’empire fut rétablie sur le pied de la bulle d’or, et que les droits des divers états de l’empire fussent déclarés à jamais inviolables. La garantie politique de la France et de la Suède couronnait ces stipulations avec l’empereur, et le principe des indemnités et compensations pour tous ceux qui avaient injustement souffert de la guerre fut proclamé. C’était une révolution salutaire, chèrement achetée, mais féconde en résultats heureux pour l’Allemagne et pour l’Europe, qui, sans le traité de Westphalie, n’aurait pas eu plus tard le traité d’Utrecht.

Sur la question de la satisfaction jadis promise à la Suède et réclamée par elle avec un peu d’âpreté, l’intervention de la France fut tout aussi bienfaisante. Elle s’interposa entre des exigences exagérées et des intérêts menacés. Le Mecklembourg et surtout le Brandebourg en ressentirent les résultats. Le premier obtint facilement des restitutions ; mais la Suède voulait la Poméranie, dont la maison ducale s’était éteinte pendant la guerre de trente ans, et l’électeur de Brandebourg voulait aussi ce territoire, qui s’accommodait au sien ; la Suède demandait un établissement en Westphalie, et l’électeur de Brandebourg en demandait aussi. Grâce à la médiation française, la Suède consentit à partager la Poméranie avec le Brandebourg ; elle borna pour de l’argent ses prétentions sur la Westphalie, et le Brandebourg y acquit de vastes domaines à la faveur de l’expédient de la sécularisation ou transformation des anciennes terres cléricales en terres séculières, expédient qui fournit alors à l’empire le moyen de payer beaucoup de dettes, et qui, employé de nouveau en 1801 à Lunéville, a été la source d’une foule de fortunes princières en Allemagne, le pays du monde où le clergé catholique a autrefois possédé les plus grands biens. Par l’effet de la même intercession et du même expédient, la Hesse obtint de larges indemnités, et devint un état puissant. Avec l’adhésion de la France, la Suisse fut désormais définitivement détachée du corps germanique, et son indépendance devint un des élémens de l’équilibre européen. L’électeur palatin obtint aussi son rétablissement dans ses états et dignités, dont il était dépouillé depuis 1618. Il n’est, hélas ! aucun prince allemand qui ne soit l’obligé de la France. Qu’était le margrave de Bade avant le traité de Westphalie, et surtout avant son alliance avec une fille adoptive de Napoléon ? à qui le duc de Wurtemberg dut-il en 1648 un accroissement de fortune ? à qui dut-il plus tard la royauté ? qui fit un roi du duc de Bavière ? à qui le roi de Saxe a-t-il dû la conservation de son trône au congrès de Vienne en 1815 ?

La reconstitution de l’empire germanique fut donc une des grandes