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LA RÉUNION DE L’ALSACE.

d’années sur le continent français. En même temps nos troupes, supérieurement commandées, assuraient partout des avantages considérables à nos armes, de telle sorte que ni la mort de Baner en 1641, ni celle de Richelieu en 1642, ni celle de Louis XIII en 1643, ne semblèrent changer rien à la situation. Mazarin, héritier de Richelieu dans le ministère, n’eut qu’à continuer des plans dont il avait la confidence, et un congrès étant indiqué à Munster (1643) pour y traiter de la paix, la régente, Anne d’Autriche, s’y présenta comme arbitre des destinées de l’Europe. Jamais la France n’avait eu un si bel avenir. Turenne et Condé conduisaient ses armées ; ses diplomates étaient les plus habiles de l’époque, sa position militaire était la plus brillante qu’on pût voir. Le théâtre de la guerre était la terre étrangère. Au midi, la Catalogne s’était donnée à elle, et ses armes l’avaient rendue maîtresse du Roussillon. Sur les Alpes, la France possédait Pignerol, par où elle avait entrée en Italie, et la Savoie lui était soumise. Au-delà des Alpes, elle avait Casal, qui lui ouvrait le Milanais. L’Alsace était dans ses mains depuis près de dix ans, ainsi que les villes forestières, qui lui ouvraient la Souabe. Au-delà du Rhin, elle avait Brisach, qui menaçait Fribourg, et le Val-d’Enfer, autre porte de la Souabe et des vallées du Danube. Sur la droite du Bas-Rhin, elle occupait Philipsbourg, par où elle donnait la main au landgrave de Hesse, son allié héréditaire. Les électorats de Trêves et de Cologne étaient sous sa puissance. Au nord, elle occupait les places les plus importantes de la Flandre, de l’Artois, du Luxembourg. Sedan, qu’elle avait pris à un conspirateur obstiné, Metz, Toul et Verdun bloquaient la Lorraine, dont on espérait avoir la cession volontaire. Jamais la France n’avait été en si belle position pour obtenir à des conditions modérées ses frontières naturelles, ce rêve national que justifiaient tant de titres et tant d’intérêts, cette ambition née sur les bancs de l’école, et aussi juste au fond que celle de l’Espagne et de l’Angleterre, occupées pendant tant de siècles à former leur unité territoriale.

II.

Tel fut en effet le but que nos plénipotentiaires eurent la mission de poursuivre au congrès de Westphalie (1643). Plus grande et plus noble assemblée n’avait pas encore été convoquée en Europe, et jusqu’alors l’Europe n’avait pas été dans une situation aussi critique. La guerre, après avoir été localisée en Allemagne au début des troubles, avait répandu partout ses ravages, et une conflagration universelle semblait menacer tout l’Occident d’une destruction prochaine ; mais le foyer de l’incendie restait en Allemagne. Depuis plus de vingt-cinq ans, elle était foulée, dévastée, par les partis