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Chantilly, Senlis, Compiègne, Noyon. Les feux ennemis cessèrent à quelque distance de Ham. Vers onze heures et demie, l’aérostat s’abattit à Carnières, près Cambrai, par un vent furieux. Les aéronautes furent fortement contusionnés. Les populations, très empressées, vinrent au-devant d’eux ; le maire de Cambrai les reçut chez lui, et le soir ils couchaient à Douai.

C’est pour parer en grande partie au péril nouveau de la poursuite des aéronautes comme espions par l’armée prussienne que l’administration des postes, de concert avec le gouverneur de Paris, a décidé que ses ballons ne partiraient plus que la nuit et très secrètement. L’avantage qu’elle a cru ainsi obtenir est d’empêcher que ces départs ne soient signalés à l’ennemi ; l’inconvénient qu’elle n’a pas vu dans la mesure qu’elle vient de prendre, c’est que la nuit, dans nos climats, les courans aériens sont bien moins prononcés que le jour. En outre les manœuvres aérostatiques sont très difficiles pendant la nuit ; la lecture du baromètre, ce merveilleux instrument qui indique si exactement les hauteurs et qui est, on peut le dire, la véritable boussole de l’aéronaute, la lecture du baromètre est tout à fait impossible dans l’obscurité des voyages nocturnes, et l’on ne saurait en ballon allumer aucune lampe, même une lampe de Davy, à cause des dangers d’explosion. Nous passons sur d’autres désavantages que présentent les départs de nuit, et nous faisons des vœux pour que l’administration revienne à ses premiers erremens, malgré l’exemple qu’elle pourrait nous opposer des voyages de Hollande et de Norvège, réalisés avec des départs de nuit. Tout voyage en ballon, il faut le répéter, se fait à la grâce de Dieu ; on va où le courant porte, et quand la limite du trajet est atteinte, quand il faut tomber, on tombe malgré tous les efforts qu’on peut faire pour continuer à s’élever. Dans une de nos ascensions, deux ballons partis ensemble naviguèrent tout le temps de conserve, et descendirent au même endroit. Dans un cas semblable, on peut être assuré que, si l’un des deux ballons descend avant l’autre, c’est certainement par accident ou fausse manœuvre.


II

Jusqu’ici, nous avons traité des ascensions libres ; il nous faut maintenant parler des ascensions captives, qui ont un si grand intérêt pour les observations militaires. L’aérostat captif ne diffère du reste d’un aérostat libre qu’en ce qu’il est retenu au sol par des cordes que manœuvrent des hommes. C’est ainsi que les ballons, à peine inventés, furent employés à la guerre. En 1794, on les utilisa notamment à la bataille de Fleurus ; les physiciens Coutelle et Conté